Chaque femme est un roman
- Par hervegautier
- Le 26/06/2015
- Dans Alexandre JARDIN
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N°929– Juin 2015
Chaque femme est un roman - Alexandre Jardin - Grasset.
Le titre ne pouvait que m'attirer comme m’attirent le femmes dont je ne suis que l'admirateur lointain et jamais le complice. Il n'empêche, chaque femme est unique et, plus que les hommes, chacune porte en elle quelque chose d’irremplaçable « un tremplin vers le fabuleux » selon l'auteur de ce roman. Ce n'est certes pas valorisant pour moi mais, maladivement timide, je ne suis pas un « donnaiolo » comme disent les Italiens qui s'y connaissent en matière de séduction. C'est peut-être à cause de cela que j'ai ouvert ce livre, en me disant que j’apprendrai sûrement quelque chose, même si, en cette matière sans doute plus que dans d'autres, il ne manque pas de matamores pour se vanter de ce qu'ils n'ont pas fait. Nous sommes dans un roman, c'est à dire dans un monde parallèle où tout n'est pas forcément comme dans la vraie vie, alors restons-y.
J'ai retrouvé ici, et avec plaisir, le verve de cet auteur que j'apprécie. Je veux bien que nous soyons dans un roman (en fait une succession de nouvelles mais cela ne change rien) où il faut enjoliver les choses, mais je n'ai été que très modérément convaincu par les histoires racontées. Je sais que les séducteurs existent, que leur vie, (et leurs exploits) sont avérés et que notre littérature s'est nourrie de leur exemple vrai ou inventé. Le don Juan est le personnage idéal, celui que tout homme rêve d'être, celui à qui tout réussi et dont toutes les femmes songent avec envie. Sauf que bien souvent cela n'existe pas ou peu. J'aime bien les rodomontades d'Alexandre Jardin, ses hâbleries, son style jubilatoire, mais franchement je me suis un peu ennuyé à la lecture parfois fastidieuse de ce catalogue de conquêtes avouées, surtout qu'il a la manière de laisser penser que tout cela n'est que la face visible de l'iceberg. A croire qu'il n'y a eu pour lui que le sexe dans la vie. Ce n'est pas que j'en sois jaloux, sûrement pas, mais cette énumération de femmes qu'il a glissées dans son lit, ce catalogue d'amoureuses qui apparemment n'attendaient que lui pour jouir d'une toquade m'a un peu agacé. Je veux bien qu'il puisse être l’héritier d'un atavisme familial, mais quand même ! C'est certes bien écrit et je l'apprécie pour cela mais pour le reste, j'ai complètement décroché. Et puis il y a toujours cette tentation d'en rajouter un peu avec peut-être le risque d'en faire trop. Parfois il avoue que tout cela n'est que fantasme et je reste confondu entre la nécessité du rêve que nous portons en nous (et qui s'applique surtout à la conquête de femmes), cette volonté d'être un autre, ne serait-ce qu'une fois et cette nécessité pour l'écrivain de surfer sur la vague de l'inspiration, de la titiller, de la violenter même, de transformer la réalité toujours un peu morne en un moment forcément érotique, contempteur de la morale et des bonnes mœurs où je vois une manière talentueuse de se démarquer du quotidien. Quant aux autres histoires d'amour improbables et toujours merveilleuses, je veux bien les croire puisque le hasard, les hommes (et les femmes surtout) ont assez de talent pour bousculer un peu le monde. Au fond, lui-même ne dit pas autre chose « Je resterai toujours un farceur, méfiant à l'égard du fumet des mots... Au fond, je ne fais confiance qu'au réel. Il ne faut pas croire aux livres. ». Je veux bien que la folie existe, qu'elle puisse croiser le talent, mais de là, pour un lecteur (une lectrice?) à entrer de plain-pied dans une fiction et y croire aussi dur que la réalité, je ne suis plus très sûr. Et puis j'ai toujours été interrogatif devant la rencontre d'un homme et d'une femme et me suis toujours demandé comment cela se conclurait, par un salut amical et un éloignement sans que rien en se soit passé ou par une histoire d'amour pas forcément durable. Ce recueil de nouvelles m'a un peu paru être un festival de vanités, encore eut-il, mais à la fin seulement, l’honnêteté de confesser les blessures qui ont laminé son ego.
C'est bizarre, mais dans cette longue liste de femmes, j'ai été beaucoup plus sensible à celles avec qui il n'a pas couché (sa mère, son éditrice(?), sa prof de maths, une amie lesbienne…) qui furent pour lui autant de boussoles plutôt que des exutoires, des guides plutôt que des thuriféraires aveuglées et des admiratrices enamourées. Là, à mon avis, il a été convaincant. Quand il propose de rire de tout au lieu sans doute d'avoir à en pleurer, tant le monde extérieur et quotidien est triste et déprimant, là, je le suis volontiers, même si j'ai peu d'aptitudes pour cela.
Après tout, le titre le laissait penser, qu'est ce que le roman sinon le domaine de l’imaginaire, même s'il enfante parfois une réalité excitante, et je dois avouer que moi aussi, souvent je me laisse tenter, tant le monde qui m'entoure est décevant.
Hervé GAUTIER – Juin 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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