Frappe-toi le coeur
- Par hervegautier
- Le 29/01/2018
- Dans Amélie Nothomb
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La Feuille Volante n° 1212
Frappe-toi le cœur – Amélie Nothomb – Albin Michel.
Je dois avouer que je lis toujours les romans d'Amélie Nothomb avec un certain état d’esprit puisque d'ordinaire j'ai toujours beaucoup de mal à entrer dans son univers créatif, ce que je considère comme une occasion manquée. Je les lis d'avantage parce qu'elle fait partie des grands noms de la littérature contemporaine que par réel intérêt. Mis à part « Stupeurs et tremblements » (La Feuille Volante n° 771) j'ai toujours ressenti quelque chose d'indifférent, voire de négatif à la lecture de son œuvre. Ici, c'est peut-être autre chose, non pas tant à cause du titre emprunté à Alfred de Musset qui voudrait nous faire croire qu'il aurait donné naissance à une une vocation… de cardiologue, même si ce détail prend une dimension différente à la fin ! L'histoire qui nous est racontée, sans être banale, est sans doute celle de chacun, avec évidemment moins d’exagérations puisque nous sommes dans un roman, simplement parce que les apparences sont souvent fausses, que l'hypocrisie existe et que la famille n'est pas un contexte où tout est forcément bien. C'est aussi, comme dans le monde extérieur, le siège d'injustices, de bouleversements intimes, de fuites, de drames...
Le livre refermé, que m'en reste-t-il ? Une impression assez fugace, un texte bien écrit et qui se lit rapidement, une histoire de famille qui tourne autour d'une mère qui ressent le besoin d'être le centre d'intérêt, de la jalousie qu'elle éprouve pour sa fille aînée, Diane, au point de la délaisser, de la volonté plus ou moins consciente d'étouffer sa dernière fille, Célia, sous couvert de l'aimer. Il en résulte du favoritisme au sein de la fratrie et évidemment des frictions et une volonté de fuite de cet univers nocif. Que cela se passe en province dans les années 70 ne change rien à l'histoire de cette pauvre Diane, dont la mère, Marie, sans doute peu préparée au mariage et au rôle de mère, se consacre exclusivement à son troisième enfant au détriment des autres. Que, dans ces conditions, cette famille qui avait tout pour être heureuse se délite, que le père, qui sans doute en avait une autre idée, se révèle de plus en plus inexistant voire démissionnaire au point de privilégier son travail, que Célia, auparavant l'objet de tant d'attentions maternelles veuille vivre une vie différente pour échapper à l'idée même qu'elle puisse elle aussi, et peut-être malgré elle, refaire avec sa fille les erreurs que sa mère a faites avec elle, que Diane refuse le concept même de famille dans un contexte aussi nuisible, cela peut d'autant plus se comprendre qu'il suffit de regarder autour de nous pour le vérifier. La famille, pilier de la société, en prend un coup dans ce roman et j'ai un peu de mal à me défaire de l'idée qu'Amélie Nothomb qui, comme tout romancier, puise en permanence dans sa vie et ses souvenirs l'essence même de son œuvre, y soit à ce point étrangère! Les enfants, la façon de les éduquer, de les aimer, de favoriser leurs aspirations ou de les mépriser en s'en désintéressant, sont souvent la pomme de discorde entre les parents et il en résulte des brisures souvent définitives au sein d'un couple avec des volontés de destruction multiformes. Si Diane ne souhaite pas fonder une famille, elle se passionne cependant pour l'éducation de Mariel, la fille d'Olivia que cette dernière ignorait cependant.
Je ne perds pas de vue que nous sommes dans une fiction où l’imagination a sa place, mais la conclusion qui en est faite, pour appartenir à un univers romanesque et être un peu surréaliste (je reste dubitatif devant l'attitude et surtout l’inefficacité de la police et la fin du roman me paraît bien irréelle) n'en est pas moins une éventualité que le monde judiciaire a déjà connu. La famille n'est d'ailleurs pas la seule à trinquer, si je puis dire, puisque les hommes y sont ici montrés comme de véritables fantômes irréels et sans aucune consistance, que le monde du travail à travers l'université et le mandarinat, n'est pas oubliée, que l’égoïsme existe, que les relations entre les gens, tissées avec la trame d'une l'amitié qu'on veut solide, résistent rarement aux intérêts personnels divergents et laissent bien souvent la place à la trahison qui exploite les failles de l'autre. Elle est la fille de la jalousie et de mépris. C'est bien de cela dont il s'agit dans ce roman où l'on voit s'établir entre Olivia et Diane des relations fortes qui, avec le temps qui passe et l'évolution des choses, vont aller se distendant jusqu'à mourir tout à fait.
Je m'interroge toujours, à titre personnel, sur la reproduction de l'exemple antérieur, surtout si on a la volonté ferme de l'éviter parce qu'on le sait nocif. J'ai pu vérifier que, malgré toute notre bonne volonté, on le refait à l'identique et c'est toujours pour moi l'objet d'un questionnement même si ce thème n'est ici qu'effleuré.
Même si les dernière phrases de ce livre me paraissent bien loin de la réalité et lui donne une même un fin quelque peu étonnante, j'ai cependant eu plaisir à le lire pour les sujets qu'il aborde.
© Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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