LES FUNAMBULES – Antoine Bello
- Par hervegautier
- Le 29/01/2011
- Dans Antoine Bello
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N°498– Janvier 2011.
LES FUNAMBULES – Antoine Bello– Gallimard.
L'art de la nouvelle est difficile, celui de concocter un recueil qui ait une unité l'est encore davantage. Pour l'auteur, il s'agit de capter l'attention de son lecteur avec des textes assez brefs, une action resserrée avec un minimum de personnages et une fin souvent inattendue. Elle favorise une lecture « d'une traite » censée procurer au lecteur un souvenir plus pérenne que le roman nécessaire plus long. Elle est soit réaliste soit fantastique. De plus, le recueil de ces textes se caractérise, en principe par une unité de ton. Baudelaire fait prévaloir une nouvelle courte à un plus longue précisément pour sauvegarder cet effet.
Est-ce cette préoccupation qui anima l'auteur dans la dernière nouvelle intitulée « l'année Zu » ? Il s'agit de l'histoire d'un romancier dont le premier roman est composé de 6 pages soit 1400 mots. Il y parle d'un jeune garçon qui s'intéresse aux rats de son quartier parisien au point de tenter de percer le secret de leurs dialogues et de devenir lui-même cet animal. Suivent d'autres œuvres qui ont pour caractéristique de s'inscrire dans « le minimalisme » qui part du principe simple que, puisque la plupart des mots sont galvaudés et donc dévalués, il est plus simple de s'exprimer par des mots rigoureusement pesés, en privilégiant l'ellipse et la ponctuation. Poussant au bout ce raisonnement, Zu pensa qu'il pouvait résumer un roman en un mot, le dernier ! Ainsi, au fur et à mesure des publications, Zu s'attacha-t-il à réduire progressivement le nombre des mots employés, sa dernière nouvelle n'en comptant que 14 et que sa trilogie pouvant être rassemblée en 4 pages !
Que dire de l'histoire de Soltino, ce funambule qui marche rapidement et sans aucune hésitation sur une corde, sans balancier, au mépris du vide et qui n'a de cesse d'améliorer sa précédente performance ? Il dit lui-même que ce qui l'intéresse n'est ni le succès ni l'argent mais d' « aller voir ce qu'il y avait au bout ». Sa quête le mène de plus en plus loin, jusque sur le toit du monde et à la mort.
L'histoire de l'exégète Fiodor Sadanov n'est pas moins étonnante. Il a consacré sa vie à étudier tout ce qui a été écrit autour d'Igor Kribolski [coupures de presse, extraits d'études, de journaux intimes...], joueur de quilles russe de l'ancienne URSS. Si son enfance a été quelque peu perturbée, sa vie a été celle d'un sportif de haut niveau choyé par le régime, celle aussi d'un simple citoyen qui ne voulu jamais s'engager en politique. Le commentateur a néanmoins réussi à extraire des écrits de Kribolski, des messages subliminaux de nature contestataire en bouleversant complètement la structures des phrases.
Que penser du sculpteur de mannequins Kreuzer dont la laideur fait peur. C'est pour cela sans doute qu'il poursuit la beauté dans son œuvre, chacune de ses sculptures étant l'ébauche de la suivante. Toute la longue série des « manikin » commencée en 1938 devra se terminer par le n°100 qui représente le summum de sa démarche artistique et au bout du compte son corps lui-même devient du bois !
Quant à l'histoire qui nous projette en 2058 de ce cosmonaute américain, Jim Mute (au nom prédestiné), qui accepte de faire partie du programme spatial d'exploration de la planète Jupiter tout en sachant pertinemment qu'il n'en reviendra jamais. Dans une société qui a besoin de martyrs, Il se sacrifie pour la grandeur de son pays et les détracteurs de ce projets finissent par se taire.
A travers ces témoignages, Antoine Bello transporte son lecteur dans une sorte de monde parallèle où il est permis de se demander si ces fictions n'ont pas été des réalités tant les références « historiques » sont précises. A l'occasion de ces destins quelque peu hors du commun, l'auteur nous invite à la recherche de la perfection sous toutes ses formes et parfois des plus inattendues. Cette quête fait d'eux des « funambules » qui marchent au-dessus du vide de leur existence. Ils la dépassent, la transcendent, l'oublient pour aller au bout de leur idéal. Il le formule avec ces mots « Arrive un moment où les intérêt d'un astronaute et ceux de son employeur se rejoignent et se confondent. Alors la vie d'un homme devient un paramètre modélisable, en l'occurrence, important, mais non essentiel ».
©Hervé GAUTIER – Janvier 2011.http://hervegautier.e-monsite.com
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