LE WEEK-END – Bernhard SCHLINK
- Par hervegautier
- Le 22/11/2009
- Dans Bernhard SCHLINK
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N°379– Novembre 2009
LE WEEK-END – Bernhard SCHLINK – Gallimard Roman [traduit de l'allemand par Bernard Lortholary].
J'avais été bouleversé par « Le liseur » du même auteur. La feuille Volante n°378 garde les traces de la découverte enthousiaste de Bernhard Schlink que je lisais pour la première fois.
Ici, c'est un peu différent. Jörg est gracié par le Président de la République allemande après vingt années passées derrière les barreaux. Sa sœur Christiane invite ses anciens amis a venir fêter sa libération dans sa maison à la campagne berlinoise. Pourtant, ce week-end qu'elle espérait paisible va vite devenir invivable. C'est que Jörg est un ancien terroriste de la Fraction Armée Rouge et dans ce groupe ainsi reformé s'entrechoquent des questions d'abandons, d'oublis, de responsabilités, de culpabilités, de pardons, de regrets, de suspicions, de rêves abandonnés, de mensonges, de coups de bluff, de blocages ... C'est que pendant l'emprisonnement de Jörg chacun a trouvé sa place dans une société qu'auparavant ils combattaient. Quid de l'amitié au regard de l'idée pour laquelle on s'était engagé? Est-elle plus forte que l'idéal? Finit-on par s'insérer dans un monde qu'on refusait, par nécessité, par évolution obligatoire, par conviction lentement forgée par le temps, par récupération plus ou moins volontaire? Doit-on rester toute sa vie habité par par un modèle même s'il se révèle utopique? La société peut-elle être réformée ou doit-elle être dominée constamment par l'argent et le pouvoir qu'elle sous-tend sans qu'il soit possible d'imaginer autre chose? La nécessaire lutte sociale est-elle destinée à n'être qu'un court moment dans la vie des hommes pour n'être plus ensuite qu'un souvenir? La volonté de faire changer les choses légitime-t-elle la violence et l'assassinat? Le fanatisme ne conduit-il pas de lui-même ses protagonistes dans une impasse? La politique doit-elle se conjuguer toujours avec la violence?
Le huis-clos augmente encore l'ambiance parfois lourde, parfois nostalgique de ces trois jours passés ensemble où les souvenirs reviennent lentement à la surface. Le délabrement de la maison qui sert de cadre à cette rencontre est un peu à l'image de l'ambiance qui y règne et le respect des unités de lieu et d'action donne encore plus de force à ce récit.
Et puis, Jörg lui-même n'a été que gracié et doit donc sa liberté provisoire au pouvoir politique qu'il combattait jadis. Cela a fait l'objet d'une demande de sa part...
On sent le décalage qui existe entre Jörg et les autres, ceux qui veulent le voir reprendre le flambeau contre toutes les injustices, il y a tant de combats à mener contre l'oppression ...et tous les autres devenus notables établis. Même la religion est convoquée! Pour lui, c'est un peu comme si le temps s'était arrêté il y a vingt ans et que son idéal d'alors était resté intact face à « l'adaptation » de ses anciens compagnons de lutte.
Comme à son habitude, l'auteur soulève des questions qui bien souvent n'ont de réponse qu'en nous-mêmes. Il conduit sa démarche sans concession. C'est un bon écrivain, qui a à la fois le courage d'affronter les vieux démons de son pays mais c'est aussi un juge professionnel dont le rôle est de défendre une société établie et qui mérite sans doute de l'être au nom de « l'ordre public », de la prospérité économique....
Comme je l'avais noté lors de mon premier commentaire, j'ai trouvé ce livre bien écrit [en tout cas bien traduit], agréable à lire. Le thème choisi colle parfaitement à la condition humaine et à l'action politique. Des exemples ne manquent pas pour l'illustrer et nos sociétés démocratiques et occidentales ont toutes été secouées, à un moment ou à un autre de leur histoire, par ces tentatives révolutionnaires. Cela en fait un livre parfaitement actuel et universel.
Pourtant, je ne saurais trop dire pourquoi, il a moins retenu mon attention et mon intérêt que le premier.
©Hervé GAUTIER – Novembre 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
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