Comment braquer une banque sans perdre son dentier
- Par hervegautier
- Le 10/05/2016
- Dans Catharina Ingelman-Sundberg.
- 0 commentaire
La Feuille Volante n°1041– Mai 2016
Comment braquer une banque sans perdre son dentier - Catharina Ingelman-Sundberg. - Fleuve Éditions
Traduit du suédois par Hélène Hervieu.
Rien que de lire le titre et la 4° de couverture, c'est déjà tout un programme. Il allait être question de pacemakers, de listes de médicaments, de déambulateurs, de rhumatismes, de fractures du col du fémur… Pour une fois qu'on met les vieux en scène autrement qu'avec le scrabble, les verres de vin rouge, le tricot ou la belote ! Ils sont donc donc cinq, pensionnaires de la même maison de retraite suédoise et chantant dans la même chorale, qui soudain prennent conscience que les prisonniers incarcérés ont une meilleure vie qu'eux. La solution s'impose donc d'elle-même, ils vont devenir délinquants et après pas mal de réflexions et d'hésitations, le braquage d'une banque s'impose, même si cela ne se fait plus depuis longtemps ; une attaque de transports de fonds suffira donc. Mais, c'est pour la bonne cause : ils prendront aux riches pour donner aux pauvres, pour améliorer le sort des pensionnaires des maisons de retraite et, bien entendu, iront en prison, leur véritable objectif, drôle d'idée quand même ! C’est vrai que personne ne pourrait soupçonner une bande de vieillards séniles avec leurs déambulateurs. C'est vrai aussi que, dans ce genre d'exercice, ils sont plutôt novices, des coups d'essais s'imposent donc, entre jouer les rats d’hôtel et les dévaliseurs du musée de Stockholm, et pas du tout par amour de l’impressionnisme français ! Ils sont aidés involontairement en cela par le directeur de leur maison de retraite qui file la parfait amour avec l'infirmière chargée des soins, ainsi la surveillance est quelque peu relâchée et leur départ passe inaperçu. Dans leurs entreprises, ils font pourtant ce qu'ils peuvent, pensent au plus petits détails, s'inspirent des romans policiers anglais, font preuve de beaucoup d'imagination. Ils vont même jusqu'à s'accuser du vol des tableaux, à donner des renseignements précis, mais on les prend pour des affabulateurs. Malheureusement, il y a toujours un grain de sable qui se loge dans l'engrenage et qui fait tout foirer. C'est le début d'un polar hilarant aux multiples rebondissements dans lequel la police ne prend pas vraiment au sérieux la disparition de ces cinq vieillards de leur établissement. Quant à leurs idées reçues sur la prison et sur l’argent qu'ils voulaient partager, ils vont un peu évoluer. Et leurs manigances bancaires n’attirent pas que l’attention de la police !
C'est un livre léger (malgré ses plus de 400 pages) et agréable à lire malgré les invraisemblances qu'on lui pardonne aisément. Cependant, en le lisant, j'ai eu plusieurs impressions. D'abord la morale est sauve, mais attendais-je vraiment autre chose de cette aimable plaisanterie ? En outre, j'ai eu un sentiment étrange et peut-être bien éloigné de la farce qui veut nous être offerte. Quand on a mené une vie rangée, encombrée de difficultés, d’interdits et de tabous, quand vient la vieillesse, et avec elle une certaine mais ultime liberté, c'est aussi la dernière occasion de faire ce qu'on n'a pas pu réaliser avant, alors on se lâche et c'est sans doute ce que font ces cinq compères. Ils ont peut-être envie d'autre chose que d’attendre la mort, une dernière fois envie d'exister, de faire quelque chose, d'avoir leur quart d'heure de gloire surtout dans une société qui ne veut plus d'eux. Ils ont peut-être l'excuse d'avoir été abandonnés dans ce mouroir par leurs enfants qui attendent impatiemment l'héritage. Allez savoir ? Moi j'y ai vu cet aspect des choses, au-delà de l'humour réel que le titre laissait prévoir, mais peut-être n'ai-je rien compris ?
© Hervé GAUTIER – Mai 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
Ajouter un commentaire