PAOLO CONTE - Monique MALFATTO – Poésie et Chansons - Seghers.
- Par hervegautier
- Le 30/03/2009
- Dans Paolo Conte
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N°260- Novembre 2006
PAOLO CONTE - Monique MALFATTO – Poésie et Chansons - Seghers.
Il est des artistes, des créateurs, qui, par hasard, un jour, nous bouleversent par leur talent, leur façon de s’exprimer ou simplement par tout autre chose qui fait qu’on s’intéresse à ce qu’ils font et aussi à ce qu’ils sont, pour l’unique raison que cela éclaire leur œuvre. Il est des livres qui lèvent des coins du voile dont les vrais auteurs se recouvrent, parce que leur vie, et donc leur œuvre, sont autre chose que ce qui doit être jeté en pâture aux médias, parce que cela est dans l’air du temps et répond à une demande des lecteurs avides … Celui de Monique Malfatto est de ceux-là. Je l’ai lu avec passion parce qu’il éclaire la poésie de Paolo Conte, en donne des clés de lecture, parce que, moi aussi, je suis sous le charme de ce chanteur-poète, à la fois secret et chantre de la condition humaine, avec ses joies, ses peines, l’implacable poids de ses contingences et le temps qui inexorablement s’enfuit !
C’est un ouvrage captivant, trop bref peut-être et qui mériterait une suite. Grâce à lui, le lecteur attentif en sait davantage sur cet homme mystérieux et solitaire, à la fois baroque et réservé, catalogué comme crooner, séducteur peut-être, dont on ne retient souvent que le timbre si particulier de sa voix. Je l’avoue volontiers, ses chansons sont longtemps restées dans ma mémoire, à cause peut-être de l’harmonie naturelle d’une langue que je ne comprenais pourtant pas, à cause du son rocailleux de sa voix, des notes distillées par son « piano forte » qui elles aussi faisaient partie de mes souvenirs. Ces traces étaient restées, fortes et ténues à la fois. Je ne suis qu’un pauvre amateur, mais Paolo Conte n’était pour moi qu’un chanteur, qu’un musicien dédié au jazz des années d’avant-guerre, aux rythmes sud-américains, à la mélancolie de certaines de ses chansons…
Ses textes traduits m’ont donné accès à cet univers si particulier, baigné à la fois de surréalisme et de quotidien, d’imaginaire créatif et de souvenirs personnels. Ils tissent un paysage secret et connu pourtant de chacun d’entre nous. D’une certaine façon ses mots agissent à la manière d’un révélateur, nous font découvrir ce que nous connaissons déjà, un effet-miroir en quelque sorte. Cette poésie, si loin de la prosodie, nous est donc, paradoxalement peut-être, parfaitement intelligible parce qu’elle porte en elle des moments de notre propre vie. Il met des mots et des notes sur une expérience personnelle, une idée, et c’est à chacun de nous qu’il s’adresse.
Ses textes nous donnent un supplément de rêve autant parce qu’ils nous renvoient une image intime de nous-mêmes, entre nostalgie, mélancolie, solitude, déprime parfois et instants de folie, de fantasmes ou d’extrême bonheur. Chez lui, le dérisoire, l’humour, le disputent aux souvenirs d’enfance, aux silhouettes de femmes … la vie, tout simplement avec son cortège de doutes, d’échecs mal digérés, d’histoires d’amour jamais oubliées…
Chez lui, point de polémique et d’engagement politique ou religieux. Il y a ailleurs des terrains pour cela et l’art souvent y perd !
Un des grands mérites de ce livre est de donner la parole à Paolo Conte. Il nous raconte sa vie, son enfance à Asti, son attachement viscéral à sa terre natale, son parcours, ses passions, ses moments de galère, son amour du dessin, sa volonté d’être marginal, loin du show-biz et de son monde impitoyable, ses difficultés avec l’écriture, la souffrance face à la page blanche... C’est une manière de se livrer, mais avec tout ce qu’il faut de retenue, de droit au jardin-secret et de volonté de démystifier l’homme public qu’il est devenu autant malgré lui que de part sa propre volonté. Comme si tout cela était arrivé parce qu’il porte en lui des paroles que chacun attend, avec ce détachement et cet étonnement de celui qui enfante des chefs-d’œuvre sans vraiment s’en rendre compte. Ses spectacles, et les disques qui en gardent la trace, sont le témoin de cette complicité qu’il a avec un public international pour qui la langue n’est pas un obstacle, comme si, les mots et leur musique suffisaient à la compréhension du message naturellement universel et profondément humain. Qui prétendra dès lors que la chanson est un art mineur ? Elle permet au contraire de toucher le plus grand nombre de gens dans un siècle à la fois consacré à la communication et à l’abandon des valeurs culturelles traditionnelles et élitistes. Paradoxe peut-être chez cet homme qui confie volontiers sa timidité, qui s’exprime, son écriture en fait foi, toujours avec retenue et « Hésitation ».
Il y a de la désespérance chez lui, parce qu’il est le témoin du passage de l’homme [et de la femme] sur terre, de l’aspect à la fois difficile et douloureux mais aussi sensuel de la vie, de la crainte de la mort... Un mot incarne cela à mes yeux, « le Mocambo », symbole de l’incompréhension, de la solitude, de l’échec malgré une réelle volonté, toujours contrecarrée, d’être autrement.
Paolo Conte symbolise l’Italie au point que certaines de ses chansons font du patrimoine national. Ce ne sont pas des « chansonnettes » comme on a pu le croire au début mais véritablement une invitation à la réflexion mais aussi au rêve. Dans ce livre, il confie son attachement à La France, elle le lui rend bien !
C’est aussi, et c’est bien, un livre qui offre des chansons traduites en français par Monique Malfatto avec un grand sens de la complicité. Elle précise « traduire les textes de Paolo Conte, ce n’est pas traduire en français, un texte italien. C’est traduire Paolo Conte ».
© Hervé GAUTIER. http://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg
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