Pourquoi pas la vie
- Par hervegautier
- Le 16/12/2022
- Dans Coline Pierré
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N°1701 – Décembre 2022
Pourquoi pas la vie – Coline Pierré - L’iconoclaste.
Sylvia Plath(1932-1963), poétesse et romancière américaine dépressive et mère de deux enfants se suicide en cet hiver anglais de 1963. Jusque là sa vie, une sorte de château de cartes dans un courant d’air, s’est déroulée dans le chaos et la dépression puis, après son mariage, dans l’ombre d’un mari célèbre, volage et également poète, Ted Hughes, qui lui a toujours volé la vedette et qui a fait prévaloir sa carrière littéraire sur celle de son épouse. Il y a des précédents célèbres où la vie commune et fusionnelle de deux artistes a conduit à des échecs retentissants et, se sentant trahie par l’adultère de son mari, elle choisit la mort par suicide.
A partir de ce fait Coline Pierré choisit de s’approprier cette histoire, de donner à cette femme un destin différent en interrompant sa marche vers la mort grâce à la fiction du roman et de lui donner l’occasion d’une revanche. Après tout et nonobstant l’aphorisme de Bossuet sur cette démarche où il voit un dérèglement de l’esprit, la littérature permet ce parcours dans l’irréel et on peut aisément être tenté de refaire le monde tant celui-ci est déprimant, absurde, injuste... Après la courte de vie de Sylvia (31 ans), évoquée dans un de ses romans a été torturée par la dépression et les soins qu’à l’époque on y réservait.
Nous ne sommes donc pas dans une biographie mais dans une authentique uchronie. Sylvia est donc sauvée in extremis et , grâce à ses amis (ies) différents d’elles, à ses jeunes enfants, elle divorce, reprend goût à la vie, à l’écriture, à l’indépendance face aux hommes dans une sorte de renaissance où elle abandonne le rôle traditionnel dévolu aux femmes à cette époque, bref, fait prévaloir la vie sur la mort. C’est elle qui décide d’aller mieux dans le tourbillon des Sixties, les débuts des Beatles et la culture Pop, de se détacher complètement de sa vie d’avant, de devenir écrivain(e) malgré toute les contingences et les doutes personnels que cela implique. Elle a été certes une poétesse précoce, son talent est reconnu, son suicide manqué lui a conféré une sorte d’aura, elle devient l’archétype du génie féminin engagé mais tout cela n’est pas suffisant pour lui faire oublier sa vie d’avant et les souvenirs l’assaillent.
La démarche de Coline Pierré se déroule à l’envers du traditionnel roman qui raconte au passé une histoire qui a déjà eu lieu. Elle est en cela originale et le style agréable de l’auteure réussit à nous faire oublier ce qui s’est vraiment passé pour Sylvia et on en vient à imaginer qu’elle aurait pu avoir la vie qu’elle lui prête avec ses évolutions et ses sentiments. Pourquoi pas après tout ! Eh bien moi, n’en déplaise à Bossuet, j’ai choisi de l’accompagner dans cette nouvelle vie, de l’imaginer publiant avec succès ses œuvres inédites, avec une vie créatrice trépidante, des amis, des amants, en cheminant doucement vers la mort, entourée des siens. Je l’imagine surtout vivant et affirmant son engagement féministe et créatif face aux hommes.
Je remarque que, sans connaître le milieu littéraire anglo-américain de l’époque, la poésie semble y avoir eu plus de crédit qu’en France où elle n’est acceptée (parfois) que dans la chanson. La véritable Sylvia Path a connu une certaine notoriété littéraire mais a surtout obtenu le prestigieux prix Pulitzer dans la catégorie poésie, en 1982, soit 19 ans après sa mort et ce grâce en partie à son ex-mari qui, sans doute culpabilisé par le suicide de son ex-épouse, favorisa l’édition partielle de ses œuvres.
J’ai lu ce roman dans le cadre de ma participation à un jury. Je ne connaissais pas l’œuvre de Sylvia Plath mais, après avoir refermé ce livre j’ai eu envie d’en savoir davantage sur cette auteure dont je reparlerai sans doute dans cette chronique.
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