la feuille volante

Orphy aux enfers

N°1852 – Mars 2024.

 

Orfi aux enfers – Dino Buzzati – Actes Sud BD.

Traduit de l’italien par Charlotte Lataillade ;

 

En 1969, soit 3 ans avant la mort de Buzzati, un éditeur italien publia cette œuvre des années 60 dans laquelle il revisitait le mythe d’Orphée et d’Eurydice. Il y avait dans cette démarche créative quelque chose d’original, voire de symbolique puisque l’auteur, également journaliste avait choisi la bande dessinée, lui qui, toute sa vie avait publié poésie, nouvelles et romans et dont le nom est définitivement associé au « Désert des Tartares ». Œuvre inattendue , publiée sous le titre « Poema a fumetti » qui met en lumière un autre facette de son talent, celui de dessinateur et de peintre , pas toujours privilégiée par les éditeurs. Était-il en avance avec ses « dessins romancés », ses « romans illustrés »puisque, actuellement le « roman graphique » connaît un grand essor ? Il considérait en effet que écriture et dessins étaient complémentaires puisqu’elles servaient à raconter une histoire et que cette formule avait un effet attractif pour les catégories populaires pas forcément attirées par le texte uniquement écrit. C’était même assez courageux dans la mesure où la bande dessinée, dont il était par ailleurs un grand lecteur, n’avait pas l’attrait qu’elle a actuellement. Son dessin s’inspire tout à la fois de Giorgio de Chirico mais aussi des surréalistes comme Magritte, Dali ou Tanguy, des photos de Man Ray, du Pop Art d’Andy Warhol.

Le mythe grec d’Orphée raconte l’histoire de ce jeune musicien qui enchante tous ceux qui l’écoutent et d’Eurydice, sa femme qui meurt le jour de ses noces. Il la poursuit jusque dans les Enfers mais, oubliant sa promesse, il se retourne et Eurydice qui le suit est définitivement happée par la mort. Buzzati revisite donc ce mythe mais dans la forme seulement puisqu’il le situe à Milan, une ville qu’il connaît bien et notamment à  « via Saterna », qui peut-être n’existe pas, mais qu’il considère comme l’accès aux Enfers. Orphée devient Orphy, un chanteur pop qui rappelle les Beatles et Eurydice devenue Eura incarne ces adolescentes en transe devant leurs idoles. La relation graphique qu’il en fait est très personnelle et justifie le titre initial de « La dolce morte », la mort douce. La lire est remplacée par une guitare et Orfi, poursuivant l’ombre d’Eura, guidé par un « diable gardien » chante pour les défunts, en vain !

Le message délivré est-il la vanité des choses de ce monde et la réalité de la condition humaine? Pourquoi pas.

 

 

 
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