IL N'Y A QU'UN AMOUR
- Par hervegautier
- Le 26/04/2015
- Dans Dominique BONA
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N°897– Avril 2015
IL N'Y A QU'UN AMOUR – Dominique Bona - Grasset.
Rien en prédisposait Émile Herzog (1885-1967), jeune fils d'une riche famille normande et industrielle à devenir écrivain. Certes il avait renoncé à des études littéraires qui auraient pu être brillantes pour se consacrer à l'entreprise familiale et partageait son quotidien entre entre cette activité et ses nombreuses maîtresses. Les femmes étaient alors pour lui une récréation et une source de plaisirs mais quand il rencontra Jane-Wanda de Szymkiewicz (Janine), une jeune russo-polonaise âgée de 16 ans, non seulement il en tomba éperdument amoureux mais la racheta littéralement à sa mère, en fit une femme entretenue, la mit en pension en Angleterre pour terminer son éducation et finit par l'épouser, elle qui n'avait ni dot ni trousseau et dont la famille était surendettée. Une fois l'épouse d’Émile, Janine, se révèla sous un tout autre jour, capricieuse et frivole et même volage puisque sur les trois enfants qu'ils eurent ensemble, deux ne seraient pas de lui. Une septicémie l'emportera à l'âge de 31ans et Émile portera douloureusement le deuil de celle qui fut réellement la femme de sa vie et qui se maria d'une manière prémonitoire sans doute… en noir ! Le succès attire les femmes; déjà célèbre et désormais libre, Émile rencontre Simone de Caillavet, aussi parisienne, calculatrice et froide que Janine était brûlante, provinciale et désespérée. Devenu écrivain à succès, il épousera cette femme de lettres divorcée, déçue par son précédent mariage et qui l'admirait. Au mariage-passion succédera un mariage de raison, Simone, en véritable infirmière du cœur, s'attachant à lui faire oublier Janine et devenant sa secrétaire, sa collaboratrice, sa conseillère littéraire autant que son épouse. Pourtant, malgré tous ses efforts, l'amour s'éloignera petit à petit du couple et même s'il a épousé Simone, Émile qui a eu pourtant sinon des passades à tout le moins des passions pour d'autres femmes, n'est jamais parvenu à oublier Janine.
Il est maintenant célèbre sous le nom d'André Maurois, académicien et écrivain à succès. Il fait des conférences dans le monde entier et c'est à l'occasion de l'une d'elles, en Amérique du Sud, qu'il rencontre Maria Rivera, une jeune actrice péruvienne. Leur liaison sera courte mais passionnelle. Avec elle il connaîtra la volupté, la fulgurance dans l’amour. Il naîtra même entre Simone et elle, le temps de la jalousie passée et malgré la distance, une sorte d'amitié épistolaire, entre complicité et perversité.
Toutes ces femmes qu'il aimera d'une manière passionnée symboliseront sa quête du bonheur, mais d'un bonheur impossible à atteindre. Elles se retrouveront dans les personnages de ses romans qu'elles nourriront de leur présence et de leur vie. Elles feront de lui, sans même le vouloir un écrivain mais aussi un homme devenu étranger à lui-même, déçu par l'amour qu'il recherchait à travers elles.
Comme toujours Dominique Bona, qui est aussi romancière, excelle dans les biographies et cette chronique a depuis longtemps été attentive à son œuvre. Ce livre est non seulement fort bien écrit mais aussi richement documenté jusque dans les moindres détails. Elle cite scrupuleusement les références épistolaires et analyse pertinemment les romans d’André Maurois où elle note nombre d'allusions biographiques. Cette œuvre n'est ni un roman puisque tout y est vrai ni une biographie au sens stricte ; l'auteur dit elle-même qu'il s'agit d'une ballade amoureuse dans la vie de cet homme qu'on a, il est vrai, un peu oublié même s'il fut et est encore un monument de la littérature. En outre, nous avons ici un tableau de la bonne société du début du siècle, l'atmosphère des salons littéraires, des années folles et de l'entre-deux-guerres.
Outre que c'est une interrogation que j'ai toujours menée à titre personnel (le soutien d'un auteur par l'amour qu'il peut trouver autour de lui et qui nourrit son œuvre), j'ai été passionné, comme toujours, par cette lecture et même fasciné par la personnalité de Maurois qui, entre destin, liberté et hasard, cherche à travers toutes ses femmes un sens et une raison à sa vie. C'est l'esprit de l'exergue de Balzac « Il n'y a pas deux amours dans la vie de l'homme;il n'y en a qu'un seul, profond comme la mer, mais sans rivage ».
©Hervé GAUTIER – Avril 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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