LES ROUART - De l'impressionnisme au réalisme magique.
- Par hervegautier
- Le 28/07/2015
- Dans Dominique BONA
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N°942– Juillet 2015
LES ROUART – Dominique BONA – Gallimard.
De l'impressionnisme au réalisme magique.
En écrivant « Deux Sœurs »(la Feuille Volante n°823) Dominique Bona nous avait déjà permis d'entrer dans la biographie d'Yvonne et de Christine Lerolle, filles d'Henry Lerolle, qui avaient épousé Eugène et Louis Rouart, fils d'Henri Rouard, ingénieur, capitaine d'industrie, riche collectionneur et peintre impressionniste lui-même. En 2004, il y avait eu une exposition consacrée à la famille Rouart et la presse avait même qualifié ses membres de «Médicis français » pour insister sur leur importance en matière d'art. Un autre livre était paru en 2012 sur le même thème, repris par Dominique Bona dans son ouvrage précité.
Comme le note pertinemment l'auteur, l'art aujourd'hui est indissociable du tapage médiatique et du succès commercial, or, si les Rouart sont restés à ce point méconnus, c'est qu'ils ont tout fait pour rester dans l'ombre. L'art était pour eux « une aventure toute intérieure, secrète et fervente », quelque chose de quasi-mystique ! Henri Rouart [1833-1921]était l'ami de Degas qui fit de lui nombre de portraits, mais l'ingénieux polytechnicien qu'il était cachait un peintre de talent, élève de Corot, et un collectionneur à la fois curieux, visionnaire et enthousiaste. Il aimait non seulement les classiques mais surtout les impressionnistes que son époque méprisait et ses choix artistiques ont fait l'admiration de Paul Valéry, d'autant plus sans doute que, dans cette impressionnante collection de toiles, les siennes ne figuraient pas. Il a certes financé les différentes expositions mais y a aussi, modestement, participé. Il est un peintre de la nature où le vert et la lumière dominent. Ses délicates aquarelles sont aussi l'expression de son talent.
Ernest Rouart [1874-1942], le troisième fils d'Henri, aurait pu être l'héritier industriel de son père mais il préféra la peinture. Docile élève de Degas, il y a dans ses toiles une minutie des formes et des couleurs, comme une émotion et une tristesse contenues. Il pratiqua avec un égal bonheur l'art du pastel et de l'eau-forte. Il épousa la fille de Berthe Morisot et, comme son père, se consacra à la peinture des autres.
Augustin Rouart [1907-1997], petit-fils d'Henri et neveu d'Ernest, choisit, tout en restant dans la peinture, de s'affranchir des modèles familiaux en revenant à un style figuratif à contre-courant où le dessin et les couleurs douces dominent. Il ignora les expositions et les galeries autant que les courants artistiques de son temps pour ne se consacrer qu'à son art, ce qui ne fait cependant pas de lui un peintre maudit.
Ce furent donc trois générations de collectionneurs-mécènes et d'artistes peintres originaux et indépendants, « des créateurs à part… à la fois classiques... et inclassables » comme le dit Dominique Bona, que l'écrivain Dominique Rouart, de la quatrième génération viendra compléter de son talent.
C'est un ouvrage richement documenté et illustré dont a pris l'initiative Dominique Bona. Il permet, par les reproductions qu'il contient, de connaître et de distinguer chacun des trois artistes. Elle monter ici, une nouvelle fois son attachement à la peinture. Son texte toujours aussi cultivé et agréable à lire, servi par une écriture fluide, est complété par celui de Paul Valéry à propos d'Henri Rouart, de l'académicien Frédérique Vitoux à propos d'Augustin Rouart, de Léon-Paul Fargue à propos d'Ernest Rouart.
Comme le rappelle l'académicienne « Pour les Rouart, l'art ne se nourrit pas d'une ambition sociale ou mondaine, et ne peut être l'instrument d'une gloire personnelle ».
Hervé GAUTIER – Juillet 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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