Une vie de Gala
- Par hervegautier
- Le 07/03/2019
- Dans Dominique BONA
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La Feuille Volante n° 1331 – Mars 2019 .
Une vie de Gala – Dominique Bona – Flammarion. (2018)
Elle était originaire de Kazan où, dit-on, les femmes se caractérisent par leur grande beauté, pourtant elle n'était ni jolie ni belle ni attirante, mais elle devait bien avoir un côté fascinant et peut-être même ensorceleur pour avoir séduit et surtout inspiré deux artistes majeurs de sa générations, le poète Eluard et le peintre Dali. Elle venait de Russie, portait un nom imprononçable mais elle a surtout été connue sous son surnom éternel de Gala, ce qui ajoute à son mystère, puisque, si elle a été leur muse, elle ne s'est jamais vraiment laissée aller aux confidences sur elle-même. Elle était cultivée mais pas créatrice et l'art était cependant son domaine ce qui ajoute à son côté énigmatique. Elle n'a ni écrit ni peint mais a été le témoin des excentricités de dadaïsme et des délires créateurs du surréalisme. C'est cependant en ce jeune homme de 22 ans, Eugène Grindel, inconnu, rencontré dans un sanatorium, qu'elle croit et qu'elle épouse et c'est le même, dix ans plus tard, qu'elle abandonne alors qu'il est devenu Eluard un poète reconnu et ce pour vivre, même mariée, avec un peintre espagnol à ses débuts, de dix ans plus jeune qu'elle et prétendument homosexuel. Bizarrement Eluard qui est très amoureux d'elle ferme les yeux sur ses amours de contrebande et même les favorise, la laissant voyager seule et vivre sous leur toit avec un autre poète, Max Ernst qui devient vite son amant.
Celle qui a pratiquement abandonné Cécile, la fille qu'elle a eue avec Paul Eluard, sera une mère pour lui. Sur ces deux artistes vulnérables et fragiles elle a exercé l'autorité maternelle d'une femme solide, en même temps qu'elle a été leur énergie, leur raison de vivre et de créer. Elle a été passionnée par les hommes qu'elle a aimés mais, indomptable, a été détestée des autres. Eluard l'a chantée en femme, elle fut une maîtresse pour Max Ernst qui la transfigure en créature surnaturelle mais elle fut pour Dali une véritable béquille et il la peignit sous tout les angles, nue, habillée et surtout sublimée, parfois même sanctifiée. Elle a réveillé ses fantasmes les plus secrets. Il est un être marginal, incontrôlable mais à la pauvreté du début succède très vite la richesse avec la notoriété. Follement amoureuse au commencement de leur relation Gala s'est vite révélée en femme d'affaires avisée, sachant gérer l'immense fortune de son mari mais aussi en profiter. Le surnom « d'Avida dollar » dont on a affublé Dali, c'est en fait elle qui le mérite. Comme dans tous les couples il y a eu des orages, des séparations, la maladie et ce couple mythique s'est lentement délité pour une fin triste.
Dominique Bona renoue avec sa passion de la biographie. Elle récidive même puisque elle était déjà l'auteure d'un livre sur le même thème publié en 1995 (La Feuille Volante n° 646). A croire que le personnage de Gala la fascine. Je ne connais évidemment pas cette académicienne que j'ai cependant lue avec beaucoup de plaisir depuis des années, mais cette discipline est bien entendu difficile puisque que celui qui écrit est tenu par l'histoire de celui qui est son sujet, cependant notre auteure a choisi ici, comme ailleurs, d'aborder ce travail à travers les désordres amoureux qui ont émaillé la vie dont il s'agit. L'amour et ses bouleversements sont en effet des révélateurs plus grands que tout ce qu'on peut réaliser pendant son passage sur terre. Je suis persuadé qu'en parlant des passions amoureuses des autres on s'apaise et se comprend mieux soi-même, on sort du carcan de la statue du commandeur pour pénétrer la sensibilité de l'être humain que celui dont on parle était avant tout. Il y a certes la vérité historique des faits rapportés qu'elle respecte scrupuleusement en s’interdisant tout débordement dans la fiction, mais il convient surtout de ne pas juger, et au contraire de tenter de comprendre le caractère intime de la personne évoquée. C'est ce que fait très bien Dominique Bona qui sait, comme à chaque fois, communiquer à son lecteur tout l' enthousiasme qui est la sien pour son personnage à travers une riche documentation de lettres et de photographies.
Nous ne faisons qu'un bref passage sur terre qui restera, pour la plus grande majorité d'entre nous sans la moindre trace (on se souvient plus facilement de la vie des criminels que du parcours mener anonymement par le commun des mortels). Je suis toujours fasciné par le destin de certains d'entre eux qui, parfois malgré eux, suivent leur route ou tracent honorablement leur sillon au point qu'ils éveillent la curiosité et l'intérêt d'écrivains qui souhaitent leur rendre hommage par leurs écrits .
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