Droit d'inventaire – France 3 – Diffusion mercredi 28 novembre 2007 – 20h50.
- Par hervegautier
- Le 29/03/2009
- Dans Emissions de télévision et de radio
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°285– Novembre 2007
Droit d'inventaire – France 3 – Diffusion mercredi 28 novembre 2007 – 20h50.
Je ne suis pas un fan de la télé, tant s'en faut, et cette revue a été créée avant tout pour parler des livres et plus généralement de la culture. D'autre part, devant la mise en place par les médias d'une information de plus en plus tronquée et partisane, de la télé-réalité, du déferlement de violence à travers les séries américaines et les fadaises que le petit écran distille à longueur de soirée, un magazine qui parle de notre histoire, à un heure de grande écoute, c'est à dire pas trop tard, ne pouvait qu'être le bienvenu. Présenté par une jolie femme, ce qui ne gâte rien, il ne pouvait qu'être une invitation supplémentaire à m'installer devant mon récepteur. Je n'avais pas vu le premier numéro mais celui-la, consacré à Libération, cette page de notre histoire bien souvent occultée, retenait mon attention.
J'ai apprécié que Marie Drucker invite Max Gallo qui a posé sur cette période un regard d'historien et de critique, et l'a fait avec tout l'humanisme et toute l'humanité que nous lui connaissons. Le principe de cette émission était donc de revisiter la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Elle a abordé des thèmes récurrents et pas vraiment nouveaux, comme « les camps de la mort », la rafle des juifs ou la fuite des criminels nazis, sauvés par ceux-là mêmes qui les combattaient pendant la guerre et, en cela, elle n'a, à mon sens, pas apporté un éclairage nouveau à ce que nous savions déjà. Les alliés connaissaient l'existence des « camps », n'ont rien fait pour arrêter cette entreprise de destruction, les Américains ne voulaient pas faire « une guerre pour les juifs », Paris n'était pas un objectif militaire et il a fallu toute la détermination du Général Leclerc pour que la capitale fût libérée par des troupes française, les résistants du Vercors ont bel et bien été sacrifiés. On le savait certes déjà, mais une piqûre de rappel ne fait jamais de mal. En revanche il y a des idées reçues qui ont la vie dure, comme cette légende tissée par Von Choltitz lui-même autour de sa personne et corroborée peut-être par le roman de de Lapierre et Collins et par le film éponyme qui en a été tiré et que chacun a vu au moins une fois. Il aurait été ce général qui aurait pris le risque de désobéir à Hitler que pourtant il vénérait et qui aurait ainsi été le sauveur de Paris. Il a pourtant été un criminel de guerre, boucher de Sébastopol qui, s'il en avait eu les moyens, aurait fait subir à Paris le sort des capitales étrangères sous la botte allemande. Cela lui a valu d'échapper au tribunal de Nuremberg et, après quelques années de détention dans une quasi-prison, de couler un retraite paisible avec sa famille et d'avoir, ironie de l'histoire, les honneurs militaires à ses obsèques!
De même, les films d'Alphonse Mahusier avaient longtemps été cachés. Ils ont eu le mérite de porter témoignage du quotidien de la Résistance. C'est là un document précieux.
Mais ce qui a retenu mon attention et que cette émission n'a pas oublié, c'est ce qui a longtemps été un tabou, tout juste évoqué avec une certaine gêne par les historiens ou les simple citoyens, ces femmes tondues à la libération pour avoir seulement fait de la collaboration horizontale, c'est à dire d'avoir couché avec des Allemands. Là aussi, comme lors de «l 'épuration », la justice dite populaire a été expéditive et surtout dénuée de jugement, d'instruction et pressée d'en finir en évitant surtout de chercher à comprendre, animée seulement par un désir de vengeance qui n'allait pas au-delà d'un humiliation publique [mais quand même!] et avait l'avantage de n'être pas, en apparence seulement, définitive. Il valait mieux ne pas savoir ce qui animait ces exécuteurs d'un jour, peut-être la volonté d'humilier les plus faibles, l'aveuglement, la jalousie, le désir de donner le change et de dissimuler par ce geste spectaculaire et sans danger une attitude pas très glorieuse tout au long de cette guerre, le désir de se racheter peut-être parce qu'ils n'avaient pas été des héros quand il le fallait, celui de s'affirmer en tant que mâle, montrant d'autant plus facilement autorité et puissance qu'ils ne risquaient plus rien, assouvissant peut-être une vengeance personnelle de celui qui avait été éconduit par celle-la même qu'il était en train de tondre.
Un des moments forts de cette émission, à mon sens, fut de faire témoigner une de ces femmes qu'on ne voyait d'ordinaire que sur la pellicule. Elles n'ont pourtant pas trahi, pas dénoncer mais leur seul tort avait été d'avoir eu un amant allemand. Elles ont ainsi expié individuellement et publiquement ces années d'occupation. Elles ont parlé par la voix de l'une d'elles enfin sortie de l'anonymat et ont ainsi recouvré leur fierté, leur honneur, tant il est vrai que la plupart d'entre elles ont vécu le reste de leur vie prostrée dans le silence et la honte au point de taire cet épisode à leurs propres enfants.
Un autre moment fort fut également celui où une femme, fruit des amours proscrites entre un Allemand et une Française, est venue parler, avec émotion, de sa vie, des non-dits, de l'exclusion qu'elle a dû subir jusque dans sa propre famille, de la volonté des siens de lui faire payer à elle qui n'y était pour rien, une faute qu'elle n'avait pas commise.
Plus généralement cela illustre cette face cachée de la condition humaine, la part d'ombre de chacun d'entre nous, faite tout à la fois d'envie, de lâcheté, de petitesse et il fallait bien que ce fût l'émission d'une femme pour qu'ainsi ces pauvres femmes tondues soient réhabilitées et que tombent peut-être les tabous de cette période.
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