L'homme qui voyait à travers les visages
- Par hervegautier
- Le 17/11/2017
- Dans Eric-Emmanuel Schmitt.
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La Feuille Volante n° 1186
L'homme qui voyait à travers les visages– Eric-Emmanuel Schmitt – Albin Michel.
D'abord un attentat djihadiste comme notre société en connaît de plus en plus. Augustin, un jeune homme un peu paumé en est à la fois la victime et le témoin. C'est un SDF sans le sou, stagiaire non rémunéré à la feuille de choux locale de Charleroi. Le lecteur ne tarde pas à comprendre qu'il est un être d'exception qui voit les morts, des fantômes qui hantent les vivants et volent autour d'eux mais aussi une histoire qui se déroule un peu malgré lui et qui en fait presque un complice du terroriste...
C'est aussi un prétexte pour réfléchir de la violence née des religions, inspirée peut-être par les dieux, si on y croit, mais surtout perpétrée par les hommes . La guerre est en effet pour eux la principale activité depuis que le monde existe et tous les motifs sont bons pour y recourir, une divinité étant, pour cela, un formidable alibi. Au fil de la lecture on découvre ce qui s'affiche tous les jours dans la presse, la radicalisation sur internet qui transforme un être parfaitement normal en terroriste avide de tuer ses semblables, le Coran à la main. Soyons juste, les hommes, au nom des « religions du Livre », le judaïsme, le christianisme et l'islam qu'on nous présente pourtant comme des religions de paix, n'ont pas fait autre chose pour justifier leur soif de mort tout en ayant soin, au nom de l'incontournable prosélytisme, que de convertir les autres hommes à l'aide de la violence et du meurtre.
Toujours au fil de la lecture, on voit apparaître, en ce qui me concerne, à ma grande surprise, l'auteur lui-même qui se met en scène. Pourquoi pas après tout puisqu'un auteur puise dans sa vie, son expérience, sa culture, la substance même de son œuvre, mais que ce solipsisme parfaitement normal et légitime aille jusqu'à le faire apparaître lui-même sous sa propre plume, avec tout ce que cela implique de panégyrique et d'auto-encensement, j'avoue que cela me gêne un peu. A croire que toute cette fiction n'était finalement destinée qu'à cela, qu'à parler de lui, de ses livres, de son œuvre, des personnages qu'il a créés. Jusqu'à cette interview qu'Augustin mène auprès de lui, à qui il souffle les questions pour mieux donner les réponses sur la philosophie, sur Dieu, sur la foi, sur les religions et la violence qu'elles suscitent. Je passe aussi sur les morts que voit Augustin lors de cette entrevue et qui peuplent l'univers de Schmitt. On comprends très vite qu'il ne s'agit pas de n'importe qui. On voit assez de gens, même des écrivains, et pas des meilleurs, qui passent leur temps à parler d'eux, j'avoue que de la part d'Eric-Emmanuel Schmitt, cela m'a un peu agacé. Nous avons tous notre idée sur Dieu, sur son existence, sur ses silences, les injustices qu'il suscite ou laisse perpétrer, sur le merveilleux de la foi qu'il distribue d'une manière d'ailleurs discrétionnaire et qui transforme la vie des pauvres humains que nous sommes. Je ne crois vraiment pas qu'un tel roman, quelques que soient ses qualité littéraires par ailleurs, fasse beaucoup avancer les choses. Je n'ai pas été convaincu non plus par ce surréaliste dialogue avec « le grand œil », sur l''explication donnée sur l'écriture des trois grands livres sacrés, ancien et nouveau testament, coran, pas davantage d’ailleurs par l’épilogue. En revanche le thème de l'écriture par rapport à l'écrivain, la réponse à la question posée par lui « Qui écrit quand j'écris ?» m'aurait intéressé, le phénomène de l'inspiration, son avis sur le « Je est un autre » de Rimbaud, mais elle est restée en suspens.
La quatrième de couverture fait allusion a un de ses précédent roman « La nuit de feu » qui ne m'avait pas, en ce qui concerne son message religieux, franchement convaincu (La Feuille Volante n°988). D'ordinaire j'aime bien lire Schmitt pour son style poétique, pour son talent d'écrivain, cette chronique en témoigne, mais là, j'avoue que j'ai été un peu lassé par le thème et la façon de le traiter. Je trouve cela dommage surtout que le titre était à lui seul une invitation à la lecture d'un livre qui, sous la plume de Schmitt, ne pouvait qu'être intéressant.
© Hervé GAUTIER – Novembre 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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