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la feuille volante

MARIA DEL PILAR – Catherine LABORDE

 

N°480– Décembre 2010.

MARIA DEL PILAR Catherine LABORDE – Éditions Anne Carrière.

 

Qu'est ce qui m'a fait ouvrir ce livre ? La notoriété télévisuelle de son auteur ? Sûrement pas ! La beauté de la femme qui apparaît sur la couverture ? Peut-être car un livre commence aussi par là ! C'est plus assurément son nom espagnol et la mention qui apparaît en filigrane sur la photo d'identité : « combattant ». Sa coiffure évoque les années 40 quand, en France, il y avait la guerre. On a un peu trop vite oublié le rôle qu'ont joué les Espagnols, qui étaient le plus souvent républicains, dans ce conflit. Ils ont choisi d'aider notre pays qui les avait pourtant bien mal accueillis, ils ont choisi, le plus souvent dans l'ombre, de combattre ainsi contre le fascisme, comme ils l'avaient fait, chez eux, pendant le conflit sanglant de la « guerre civile ». Nous leur devons beaucoup et c'est sûrement cela qui m'a fait ouvrir ce livre !

 

Ce n'est pas un roman, où si peu [Ce livre ne comporte sur la couverture aucune mention de ce genre, mais une telle démarche laisse toujours une place à l'imaginaire]. La présentation sous forme de journal semble, dans sa première partie, indiquer un document brut retrouvé longtemps après et qui narre dans un style anecdotique une histoire simple, peut-être un peu enjolivée, mais peu importe. C'est une histoire d'amour comme il y en a tant, sans doute, mais celle-là se passe en temps de guerre. Maria est couturière à Tarbes, membre d'un réseau de Résistance. Irène est son nom de guerre et elle est Espagnole. Elle est amoureuse de Charles, lorrain et également chef de ce réseau. Elle est à ses côtés pendant la durée de la guerre, ils s'aiment mais, peu avant la Libération, il disparaît, probablement arrêté. De Tarbes à Paris elle le recherche, pendant un an, glanant d'improbables nouvelles, lui écrivant des lettres que, faute d'adresse, elle garde et range dans une valise en attendant son retour. Il aurait été fait prisonnier par les Allemands, serait dans un camp... Elle l'attend, avec pour soutien des nouvelles rares, hypothétiques et parcimonieuses, avec aussi le risque de ne pas le reconnaître à son retour. Elle n'a de lui que de rares photos, les épreuves meurtrissent les visages et les corps. Il se peut aussi qu'il l'ait oubliée, qu'il soit vivant, mais ailleurs, avec une autre...

 

A la Libération, ceux qui étaient partis rentrent, mais immanquablement il y a des absents, et Charles est de ceux-là. Il est à Buchenwald, mais il est prisonnier de guerre, officier britannique, en principe protégé par la Convention de Genève. Il ne fait pas partie des déportés, gazés et passés au crématoire. Les premiers camps sont libérés mais Charles reste absent et les nouvelles sont contradictoires, tissant l'espoir et l'angoisse. Pour Maria la paix ne sera pas joyeuse ! Puis en ce printemps 1945, quand la nature renaît, elle apprend la mort de Charles, peu de temps avant. Le journal s'arrête là.

 

En 1947 Maria épouse Robert, rescapé d'un oflag. Sans jamais oublier Charles, malgré les larmes et la blessure, elle fonde avec lui famille, sans rien lui cacher de sa vie d'avant. Et cet homme « tombe fou amoureux d'une femme qui pleure, plus fou d'amour sans doute que si elle n'avait pas pleuré ».

 

Dans la deuxième partie du livre, Catherine Laborde, qui jusque là était restée un peu en retrait, choisit donc de parler de sa mère qui avait elle-même rédigé en 1972 un cahier où elle évoque cette jeunesse de guerre, endeuillée par la mort de l'homme dont elle était éperdument amoureuse. Pour elle, l'écriture est un exorcisme autant qu'un témoignage qui dormait depuis longtemps dans un repli de sa mémoire... Pour ne pas le perdre, pour ses enfants, pour elle aussi qui avait un peu tendance à se complaire dans un passé révolu, intense et peut-être trop lourd, elle rédige naïvement ses souvenirs, ses espoirs. Ce genre de tentative intimiste tombe rarement au bon moment d'autant que le silence et le non-dit prennent le pas sur la confidence. Alors on le remet à plus tard, puis la vie continue... et s'arrête!

 

Parce qu'elle reçoit par hasard une lettre qui évoque cette période, l'auteur fait le chemin à l'envers, aidée de quelques photos, quelques témoignages... Entre crainte et vertige, elle va au devant de la famille de Charles, héros de la Résistance et dont une rue de Sarreguemines porte le nom. Elle découvre l'existence de sa parentèle, à la fois discrète et admirative pour cette histoire d'amour avec Maria que personne n'a oubliée, apprend la trahison et les circonstances de sa mort.

 

C'est un livre plein de sensibilité, d'émotion communicative, un hommage aussi à cette femme, à son amour devenu impossible pour un homme à cause de la guerre, du danger et finalement de la mort. C'est un témoignage bouleversant sur les chemins de la vie, du destin, sur la grandeur des hommes, sur le hasard qui fait se rencontrer les gens et sur la volonté de faire prévaloir la vie, sur la force de l'écriture qui gomme l'oubli...

 

Pour des raisons personnelles, j'ai lu ce livre avec passion et émotion. Je ne le regrette pas !

 

©Hervé GAUTIER – Décembre 2010.http://hervegautier.e-monsite.com

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