Alma Mahler ou l'art d'être aimée
- Par hervegautier
- Le 05/08/2018
- Dans Françoise Giroud
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La Feuille Volante n° 1270
Alma Mahler ou l'art d'être aimée – Françoise Giroud – Robert Laffont.
Elle devait être une sacrée belle femme cette Alma Shindler (1879-1964) que l'auteur nous présente dès les premières pages de cette biographie comme la. maîtresse de Johannes Hollensteiner, un prêtre théologien qu'on pressentait volontiers comme le futur cardinal de Vienne et qui défroqua pour elle ; elle avait alors la cinquantaine et lui beaucoup moins ! Amante, Alma l'a aussi été successivement du peintre Oscar Kokoschaka puis l'épouse de Gustave Mahler et de Walter Gropius puis de Frank Werfel … tous des artistes créateurs à qui elle communiqué une énergie créatrice qui nourrissait leur talent, ce qui lui a valu le surnom de « la veuve des Quatz' arts », C'est à tout le moins les plus connus car les passades et les demandes en mariage furent nombreuses. C'est qu'elle rayonnait de beauté, de culture, d'ambition et de caractère parce qu'elle attirait les hommes et que c'était elle qui les rejetait ensuite non sans les avoir malmenés et trompés pour parfois revenir vers eux... et en divorcer. Elle était également peintre et compositeur, notamment de lieder, mais d'elle il ne reste que peu de choses puisque, à l'image d'autres épouses d'hommes ou d'auteurs célèbres, elle a dû s'effacer devant la carrière de son premier époux Gustave Mahler (1860-1911). Alma devait tenir de sa mère le goût des frivolités puisqu'elle fut beaucoup courtisée mais elle épousa cependant Mahler malgré leur différence d'âge (Il avait alors 43 ans et elle 23). Leur mariage fut un fiasco non seulement parce que son mari était un mystique chrétien et un puritain maladroit, uniquement intéressé par sa musique mais surtout parce qu'il entendait l'asservir à son seul bonheur égoïste alors qu'Alma ne rêvait que de s'épanouir dans son art. Leur vie de couple fut tumultueuse, elle s'ennuya et se cantonna dans le rôle de maîtresse de maison, de régisseuse , de comptable, ce qui ne lui plût guère puisque cela l'éloignait de son art et ne fut pas sans occasionner des périodes de gêne pour elle. Elle a consacré sa vie à son mari, et ce rôle a certainement dû être un peu trop étriqué pour elle puisque la mort de Gustav fit d'elle une veuve de 31 an et cela sonna comme une délivrance. Elle multiplia les aventures, se remaria avec l'architecte Walter Gropius (1883-1969) qui fut son amant passionné, alors qu'elle était encore mariée à Gustav, avant d'être son époux. Cette période adultère fut pour elle une sorte de revanche. Non seulement elle aima passionnément Walter mais elle resta avec Gustav qui se serait laissé mourir si elle l'avait abandonné, mais elle en profita pour le dominer, passant du rôle d’esclave à celui de maîtresse de ce mari redevenu un amoureux transi ! A cette époque elle composa même des leader qui furent joués. Ce qui fut une manière de reconnaissance, enfin ! Mais pour un temps seulement. Elle prit sans doute plaisir à l'adultère qu'elle pratiqua avec régularité puisque, mariée avec Gropius elle vécut une idylle passionnée avec l'écrivain Frantz Werfel (1890-1945 ) qui fut plus tard son troisième mari.
Face à l’ascension des nazis, elle tournera le dos à la vieille Europe pour s'établir aux USA où elle mourut à l'âge de 85 ans dans la peau d'une institution, celle de la veuve Mahler
Cet ouvrage est riche de correspondances échangées entre Alma et ses maris et ses amants tout au long de sa vie. Cette biographie, un peu, il est vrai, menée par le petit trou de la serrure, complète une galerie de portraits déjà riche de femmes qui bien souvent ont vécu dans l'ombre d'hommes célèbres au point d'être, à cause d'eux, anonymes et oubliées..Est-ce à dire qu'une femme s'épanouit mal dans le mariage avec un génie alors qu'on présente volontiers cet état comme comme le but de chaque être humain ? Elle a certes été une femme courtisée et désirée par les hommes mais je retiens aussi qu'elle a été veuve de deux de ses maris mais surtout que, à l'exception d'Anna, la deuxième fille qu'elle a eue avec Mahler, les trois autres enfants nés de ses mariages successifs sont morts avant elle, sans compter ses fausses-couches et ses avortements. De tout cela elle a conçu de la culpabilisation. Judéo-chrétienne mais c'est un peu comme si, en elle, Éros dansait avec Thanatos.
L'auteure, volontiers féministe, qui n'a sans doute pas choisi par hasard de faire revivre pour nous une telle figure oubliée par l'histoire, a-t-elle voulu en faire une sorte d’héroïne tragique, à la fois victime des hommes qu'elle a aimés mais aussi leur bourreau ? C'est probable, mais je la vois volontiers comme une femme belle, jalouse de sa liberté, consciente de son charme, cultivée et esthète, aimant la vie et dévoreuse d'hommes célèbres qui se précipitent à ses pieds , une femme fatale qui effectivement comme le dit le sous-titre, a pratiqué avec un grand talent, l'art d'être aimée.
© Hervé Gautier – Août 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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