la feuille volante

DANS LES BOIS ETERNELS

N°1001– Décembre 2015

 

DANS LES BOIS ETERNELS Fred Vargas – Viviane Hamy.

 

Elle est bizarre cette histoire qu'il est difficile et sûrement inutile de résumer tant elle est compliquée. D'ordinaire, on se débarrasse volontiers d'une affaire délicate en la refilant à un autre. Ici, le commissaire Adamsberg insiste lourdement pour se faire attribuer le meurtre de deux petits dealers parfaitement inconnus mais que revendique la « Brigade des Stups ». C'est oublier un peu vite qu'il est têtu, mais têtu comme un Béarnais, ce qui n'est pas peu dire et ce d'autant plus qu'il vient de croiser un peu par hasard Ariane, la médecin légiste qu'il a connue dans une autre vie, il y a bien longtemps. Il a décidé qu'elle serait une adjointe précieuse dans cette affaire et elle lui livre effectivement des indices intéressants sur ces deux victimes. Elle réussit même à le convertir à sa théorie sur les meurtriers « dissociés » dont pourrait bien faire partie une vieille infirmière, récemment échappée d'une prison allemande, et qui, selon la légiste, ferait une coupable très présentable. Il la mettrait bien dans son lit, cette Ariane, mais ses relations avec les femmes sont compliquées, un peu comme celles qu'il a avec Camille, son épouse, la mère de son enfant mais dont il est actuellement séparé. Elle prend de plus en plus la forme et la consistance d'une ombre, un peu comme celle qui hante la maison que le commissaire a choisi d'habiter et que tout le monde évite à cause justement de ce fantôme. Obnubilé par cette idée, il ira pour autant la rechercher bien loin de Paris, cette silhouette grise qui est liée à cette affaire, à tout le moins le pense-t-il, mais toujours dans des cimetières, à déterrer des cercueils de femmes vierges.

Comme rien n'est simple, cette enquête emmène toute la brigade au cimetière de Montrouge, à la recherche de petits cailloux et de terre logée sous les ongles des deux victimes, ce qui se traduit par l'ouverture d'une tombe et des hypothèses qui paraissent bien légères ! C'est que le commissaire Adamsberg est comme un père pour chaque membre de cette brigade qui le suit aveuglement sans poser aucune question. Les liens qui les unissent son très forts et notamment ceux qui lient le lieutenant Retancourt, une jeune femme imposante mais indispensable au commissaire depuis une aventure canadienne constamment rappelée dans ce roman. C'est aussi sans compter aussi sur le commandant Danglard, érudit alcoolique dont les connaissances étonnent toujours le commissaire et qui lui aussi à un rôle de protecteur. D'ailleurs dans cette brigade comme dans une véritable famille les agents sont solidaires et chacun protège l'autre. Comme dans chaque brigade, il y a toujours le nouveau, celui qu'il faut former et qui bien souvent entrave la bonne marche des choses par ses questions. Ici le Nouveau (avec une majuscule) c'est Veyrenc, un Béarnais lui aussi qui n'est pas exactement un nouveau puisqu'il est policier depuis quelques années déjà, a été enseignant, semble égaré dans la police avec ses cheveux bicolores, cette passion pour Racine et cette manie bien étrange de ne s'exprimer qu'en alexandrins. Est-ce une coïncidence, mais sa présence ici ne doit rien au hasard et il réveille par sa seule présence des souvenirs d'enfance que Adamsberg croyait évanouis et en tout cas qu'il aurait bien voulu oublier.

 

On va de fausses pistes en histoires abracadabrantesques, empruntées au présent, au passé ou à l'imagination comme ces palabres incertains et apparemment inutiles sur l'os du groin de porc, l'os pénien du chat, le pillage des reliquaires religieux, la recette de la vie éternelle quêtée dans des grimoires, les bois de cerf, la recherche d'hypothétiques femmes vierges dans le département de l'Eure, l'inspiration que trouve le commissaire dans le vol des mouettes sur la Seine ou en pelletant les nuages… Bref l'enquête s'enlise chaque jour un peu plus et les policiers de la brigade doutent ! Mais après tout ce n'est pas autre chose que la réalité avec son droit imprescriptible à l'erreur. Peut-être pas tant que cela cependant puisqu'il est vrai que la vengeance se nourrit de la mémoire et la fausse piste de la mystification !

 

On ne s'ennuie vraiment pas dans un roman de Fred Vargas et quand c'est fini ça recommence, les impasses ne sont qu'apparentes et l'auteur tient son lecteur en haleine jusqu'à la fin. C'est bien écrit et c'est passionnant.

Hervé GAUTIER – Décembre 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

 
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