Guide de survie d'un juge en Chine
- Par hervegautier
- Le 01/05/2012
- Dans Frédéric LENORMAND
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N°569 – Mai 2012. GUIDE DE SURVIE D'UN JUGE EN CHINE – Frédéric Lenormand- Fayard. Après de longues et parfois pénibles pérégrinations, le juge Ti Jen-Tsie vient d'être nommé directeur de la police de Chang-an, capitale de l'empire Tang, ce qui, à 47 ans, est sans doute une promotion bien méritée eu égard à l'intégrité et aux qualités nombreuses de notre magistrat. Cependant cette nouvelle fonction cache en fait la charge de chef des espions ce qui ne correspond pas pas exactement aux compétences du fin lettré qu'il est. Il n'est pas sans savoir que chaque médaille a son revers et il se voit chargé d'une mission délicate, succéder à « l'ignoble Nian Changbao » qui s'était rendu coupable de graves prévarications d'autant plus répréhensibles qu'il y avait déjà eu des soulèvements populaires dans la capitale à la suite de la corruption d'employés de l’octroi. L'ancien chef de la police allait donc payer pour tout le monde !Son prédécesseur avait en effet une bien curieuse manière de faire respecter l'ordre public dans la ville : Au lieu d’arrêter les malfrats qui sévissaient dans sa juridiction, il les soudoyait afin qu'ils quittent la ville, ce qui témoigne d'une originale façon de s’acquitter de sa mission. Cela n'a guère échappé à l'autorité de tutelle qui l'a déclaré ennemi de l'Empire. A son arrivée Ti doit donc assister à une exécution publique où Nian doit être châtié, mais la nouvelle d'une victoire militaire éclatante provoque l'amnistie générale des condamnés selon les code des Tang. Nian en profite pour s'enfuir et Ti se voit confier la délicate mission de s'assurer de sa personne, faute de quoi il sera exécuté. Rien ne peut motiver d'avantage notre magistrat, d'autant plus que d'autres avant lui avaient échoué dans cette mission ! Ti se voit donc investi de la charge officielle de Commissaire enquêteur et voyage donc anonymement sous couvert de la profession de marchand de grains. Il se retrouve dans la petite ville de Liquan, apparemment sans histoire, mais apparemment seulement ! Le magistrat n'est jamais très loin qui se réveille pour déjouer tous les plans maléfiques qui s'opposent à sa mission, même si, autour de lui les gens tombent comme des mouches ce qui est à la fois un défi à sa fonction et une insulte à l'ordre sacré de la nature. C'est un mandarin intègre à qui rien n'échappe, même si nombre de ses collègues ne partagent pas sa loyauté. Il est en permanence, et quelles que soient les circonstances, au service de l'Empire et son esprit de déduction n'a d'égal que la connaissance de l'espèce humaine que dix sept années de magistrature lui ont enseignée. Il est vrai qu'il est aidé dans sa mission par l'enseignement sage de son Maître Confucius ! Ainsi résout-il sans aucune difficultés les énigmes les plus compliquées devant lesquelles d'autres magistrats pourtant habiles ont lamentablement séché. Il est aussi secondé dans cette enquête comme dans bien d'autres par Dame Lin Erma, sa première épouse ce qui permet à l'auteur de mettre en perspective le rôle de la femme dans cette société gouvernée par des hommes mais que pourtant une impératrice dirige. J'ai déjà abondamment parlé, dans cette chronique, du juge Ti et de Lenormand qui le fait revivre avec talent [ce n'est d'ailleurs pas le seul créneau de cet auteur spécialiste notamment du XVIII° siècle – Quand il redonne vie à Voltaire, c'est un véritable enchantement !]. Chacun de ses romans est pour moi un bon moment de lecture à cause de son style et de cet humour qui ne se dément jamais, mais c'est aussi une occasion bienvenue de dépaysement et de connaissance de cette civilisation et de cette société, l'opportunité de mieux connaître ce personnage qui oscille entre fiction et réalité et dont la vie a été passionnante. L'auteur s'approprie ce personnage, lui prête un peu de lui-même et, dévoilant ses sources le met dans des situations certes un peu extraordinaires mais que notre magistrat n'aurait sans doute pas reniées. Lenormand ne manque pas non plus de rendre un discret hommage à Robert Van Gulik qui, quelques années avant lui, avait popularisé le juge Ti ©Hervé GAUTIER – Mai 2012.http://hervegautier.e-monsite.com |
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