LA BARONNE MEURT A CINQ HEURES – Frédéric Lenormand
- Par hervegautier
- Le 25/07/2011
- Dans Frédéric LENORMAND
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N°534 – Juillet 2011. LA BARONNE MEURT A CINQ HEURES – Frédéric Lenormand – JC Lattès. Prix Arsène Lupin 2011.
Pauvre Voltaire, en cet été 1731, voilà que meurt M. de Maison qui était son protecteur. Notre écrivain qui n'est jamais aussi bien chez lui que chez les autres, se met en quête d'un nouveau mécène qu'il trouve en la personne de la baronne Fontaine-Martel qui a le bon goût de l'héberger et de le nourrir pendant près de deux années. Las, cette dernière meurt sauvagement assassinée et aux yeux de René Herault, lieutenant général de police, Voltaire, philosophe controversé, fait figure de suspect idéal. Il va donc devoir se défendre en cherchant à qui profite le crime ! Pourtant, on imagine mal notre philosophe en auxiliaire de la maréchaussée, mais, ce défenseur du bon droit et de la liberté est surtout attentif à la sienne. Il va mener sa propre enquête non seulement parce qu'il ne souhaite pas retourner à la rue, et encore moins à la Bastille, mais aussi parce qu'il espère tirer quelque bénéfice des dernières volontés de la défunte. C'est donc à une chasse au testament plus ou moins falsifié qu'il va consacrer son temps et son énergie. L'estime qu'a de sa propre personne cet « empêcheur de penser en rond » l'amène à supposer qu'on en veut aussi à sa vie et ce d'autant plus qu'il est l'ennemi de tout ce qui porte soutane, jésuites et jansénistes.
Dans sa quête, il sera aidé brillamment par Mme du Châtelet, femme de sciences et d'esprit, délaissée par un mari qui préfère les champs de bataille, et présentement enceinte jusqu'aux oreilles. Ses qualités ne seront pas de trop pour affronter tous ces héritiers avides, ces abbés ridicules, ces spadassins aux mystérieux codes, ces assassins qui « connaissent la musique »... et pour tenir tête à cet écrivain, certes génial, mais un peu trop envahissant. Heureusement son intuition féminine prendra le pas sur la philosophie et nos deux limiers feront, à cette occasion, de surprenantes découvertes sur la nature humaine et sur l'hypocrisie qui va avec, la volonté de s'enrichir et les secrets d'alcôves !
Estimant qu'une enquête est quand même comparable à un raisonnement philosophique, et ne perdant pas de vue son intérêt personnel, notre homme mène donc des investigations attentives en même temps qu'une activité littéraire et mondaine en n'oubliant pas d'échapper à la censure et de lorgner vers l'Académie. Malheureusement pour lui, tout le monde prend Ériphyle, la tragédie qu'il est en train d'écrire et dont il ne cesse de parler, pour une maladie de peau ! Mais, éternel valétudinaire à l'article de la mort malgré ses trente neuf ans, il n'omet pas non plus d'exploiter ceux qui ont l'imprudence de faire appel à ses qualités de comédien-usurier, ce qui, à ses yeux, n'est pas incompatible !
Je ne dirai jamais assez le plaisir que j'ai à lire Frédéric Lenormand [Cette chronique lui a déjà consacré de nombreux articles depuis quelques années]. J'aime son humour [J'ai beaucoup ri pendant ces trois cents pages], son érudition rigoureuse, sa maîtrise jubilatoire de la langue française, sa délicate pratique de la syntaxe, ses saillies aussi inattendues que pertinentes. Il est vrai que le sujet, Voltaire, dont il est un éminent spécialiste, s'y prête particulièrement. L'auteur des « Lettres philosophiques anglaises » avait déjà été mis en scène par Lenormand dans « La jeune fille et le philosophe » [La feuille volante n° 240]. L'auteur ne se contente pas d'être l'heureux chroniqueur des enquêtes du « juge Ti », il est aussi un grand connaisseur du XVIII° siècle. A ce titre, il promène son lecteur dans les rues de ce Paris hivernal qui n'est pas toujours celui des philosophes et y fait déambuler notre « propagateur d'idées impies » d'autant plus volontiers que sa liberté est en jeu.
Avec de courts chapitres au style alerte, annoncés d'une manière quasiment théâtrale, Lenormand s'attache l'attention de son lecteur dont il suscite l'intérêt dès la première ligne de ce roman sans que l'ennui s'insinue dans sa lecture. Il le régale de la silhouette de Voltaire autant que de son esprit et lui prête des propos et des attitudes que n'eût pas désavoués l'auteur de « Candide »
Comme je l'ai souvent écrit, un roman de Frédéric Lenormand est pour moi un bon moment de lecture et, comme toujours...j'attends le prochain.
. ©Hervé GAUTIER – Juillet 2011.http://hervegautier.e-monsite.com
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