LA PENSION BELHOMME - Frédéric LENORMAND - Editions FAYARD.
- Par hervegautier
- Le 29/03/2009
- Dans Frédéric LENORMAND
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N°328– Mars 2009
LA PENSION BELHOMME – Frédéric LENORMAND - Editions FAYARD.
Ce n'est pas le moindre mérite de ce livre de mettre en lumière un point un peu oublié de la Terreur. De cette période, nous n'avons probablement retenu que l'usage inconsidéré de la guillotine, la chasse aux ci-devants, et l'insécurité qui faisait des accusateurs d'un jour les victimes du lendemain. C'était une guerre civile et dans ces périodes où les grandes idées sur les valeurs de l'humanisme sont quelque peu mises entre parenthèses, des vocations de délateurs zélés se révèlent et les prisons se remplissent d'autant plus facilement que les chefs d'accusation atteignent une inflation galopante autant qu'une dangereuse imprécision.
Pour pallier cette carence, l'État réquisitionne donc les cliniques pour peu qu'elles soient munies de barreaux. Rue de Charonne, la maison de Jacques Belhomme fut du nombre. Cet ancien menuisier, opportuniste et âpre au gain, s'improvisa Maître de pension à partir de 1765, considérant son nouveau métier comme plus lucratif. Il ouvrit donc « à mi-chemin entre entre la Place de la Nation et le cimetière du Père Lachaise » un établissement pour pensionnaires fatigués ou agités. L'idée devait être bonne puisqu'il prospéra pendant vingt cinq ans. De telles maisons étaient en réalité et à l'origine, les ancêtres des cliniques psychiatriques. Ces « pensions bourgeoises » étaient, sous l'Ancien régime des annexes des geôles et on y recevait souvent des individus incarcérés ici par « lettres de cachet », c'est à dire en vertu de l'arbitraire. La profession des résidents était diverse, bourgeois, artisans, rentiers, ...mais ils acquittaient tous le montant de leur pension, parfois élevée. Après la destruction de la Bastille, le nouveau régime se fit un devoir de remplir ces nouvelles prisons devenues « maisons de santé et de sûreté ». A la Révolution on comptait chez Belhomme des fous et des handicapés mais aussi des vieillards, des grabataires, des nobles, des prêtres, d'anciens fonctionnaires ou militaires, tous plus ou moins malades ...En tout cent seize détenus s'y sont côtoyés pendant toutes ces années.
A partir de l'avènement du nouveau régime, aux circonstances exceptionnelles autant qu'à l'activité débordante de la police, ceux qui allaient les peupler ne présentaient plus exactement les mêmes caractéristiques. S'y côtoyèrent donc tous ceux qui étaient suspects aux yeux des révolutionnaires, nobles, journalistes, officiers, acteurs de théâtre, ainsi qu'une foule d'anonymes en délicatesse avec les autorités ou simplement en disgrâce... et chacun de soudoyer les médecins et les policiers pour y être incarcérés. Notre Belhomme profita de l'occasion pour s'enrichir et rançonner quelque peu ses nouveaux pensionnaires, trop heureux d'être chez lui un peu à l'abri de l'agitation extérieure. Mal lui en prit et il tâta, lui aussi des tribunaux sous l'accusation précise de concussion, « d'exaction envers les riches et d'inhumanité envers les pauvre », de faux et de banqueroute frauduleuse mais finit par survivre à tous ces bouleversements. Il fut, lui-aussi, envoyé dans une maison de santé, mais pas dans la sienne, laquelle dépérit et finit par fermer.
Au risque de me répéter, cette chronique s'instituant depuis quelque temps, et avec un plaisir gourmand, le témoin privilégié de l'œuvre de Frédéric Lenormand, je voudrais souligner une nouvelle fois tout l'intérêt que le simple lecteur que je suis prend à la fréquentation de ses ouvrages. Comme les autres, celui-ci est le résultat d'une recherche à la fois approfondie, patiente et minutieuse de documents historiques qui ont miraculeusement survécu aux soubresauts de notre histoire. En historien avisé mais aussi malicieux, il relate avec force détails la liste et parfois une partie de la vie de ceux qui furent accueillis dans « la pension Belhomme ». La lecture en est savoureuse.
J'ajouterais que l'auteur fait des remarques pertinentes et parfois (heureusement) impertinentes dans un style emprunt d'humour et toujours aussi jubilatoire qui ne saurait me laisser indifférent et qui transforme le temps consacré à la lecture en un agréable moment.
©Hervé GAUTIER
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