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la feuille volante

Edward Hopper

La Feuille Volante n°1019– Mars 2016

Edward Hopper - Gerry Souter – Parkstone international.

Traduit de l’américain par Aline Jorand.

 

Je ne sais pas pourquoi, moi qui ne suis pas spécialiste de la peinture en général, et de la peinture américaine en particulier, je ressens pour Edward Hopper (1882-1967) une véritable fasciation. Aussi bien quand je découvre un livre qui lui est consacré, je ne manque pas de le lire avec intérêt.

L'auteur le présente à travers sa biographie, insistant sur ses origines modestes et sur le rôle de ses parents, de sa mère surtout qui a su favoriser sa vocation artistique. Son éducation a été fortement marquée par les femmes (sa mère et sa grand-mère) et cela se retrouvera dans son œuvre. Il note que son éducation victorienne complétée par une empreinte puritaine et religieuse (son arrière-grand-père, le révérend Griffiths a fondé l'église baptiste de la petite ville de Nyack (État de New York) où il est né – Edward ira à l'école privée) qui prône une vie austère, recommande de s'éloigner des plaisirs de la sexualité et des comportements immoraux. Cela développera une timidité naturelle qui, bizarrement, sera contrebalancée par un réel sens de l'humour. Cette formation ne sera pas sans influencer sa peinture et quand il représente des femmes, même si elles sont nues, il n'y a pas de dimension érotique. Je note également que après son mariage avec Joséphine, celle-ci sera son unique modèle. Dans certaine de ses toiles, surtout celles où il représente des chambres ou des bureaux il y a cependant une sorte de voyeurisme.

S'il a fréquenté des écoles de dessins, et notamment la New York School of Art, s'il s'est perfectionné par l'étude des impressionnistes français présents dans les musées américains et en France même où il fit trois séjours, il commença son apprentissage en copiant de façon empirique, très jeune, des couvertures de magazines. Ses séjours à Paris ne se confondent d'ailleurs pas avec la vie de bohème qu'on peut imaginer chez un jeune peintre et il en rapporte nombre de tableaux dans la manière impressionniste qui n'apparaissent malheureusement pas dans les illustrations de cet ouvrage.

Ce que je retiens ce sont les débuts difficiles de Hopper et toute sa vie sera rythmée par l’alternance du succès et de l'échec, l'obligation de gagner sa vie comme illustrateur, ainsi que de la sécheresse artistique passagère ce qui ne sera pas sans influencer son équilibre personnel. Il sera en effet souvent sujet à la dépression. A partir de 1923 cependant, date à laquelle il rencontre Joséphine qui va devenir son épouse, la chance semble lui sourire et, petit à petit, il devient un peintre connu et reconnu. Pourtant sa vie sentimentale sera des plus agitée, émaillées par de violentes disputes avec sa femme qui pourtant choisira de mettre sa carrière artistique personnelle entre parenthèses mais en ressentira une sorte de complexe d'infériorité. Edward semble ne pas avoir été heureux en ménage et il en concevra une profonde solitude qui ressort sur la plupart de ses toiles, notamment au niveau des personnages et des paysages. Les époux voyageront pourtant souvent ensemble, notamment au Mexique mais cet ouvrage ne publie aucune des toiles réalisées dans ce pays. Ils achèteront une maison au cap Cod et Edward renouera alors avec l'inspiration de la mer et des bateaux qui avait été la sienne, très jeune, à Nyack quand il fréquentait les chantiers navals et le « Boys Yacht Club ». Ce thème du voyage, incarné par les bateaux, les trains et les routes me semble également dénoter une sorte de volonté de départ, de fuite, l'envie d'un ailleurs qu'on ose cependant pas pas tenter. Les phares auront aussi une grande influence sur sa peinture.

Il affectionne également les paysages urbains, les trains ou les maisons isolées mais je note que s'il vécu et travaillé à New York, il ne représenta que peu de gratte-ciel pour se concentrer plutôt sur les maisons de style victorien avec toujours, peu ou prou, cette impression de solitude, de vide, d'attente de quelque chose qui n'arrivera peut-être pas. Cette idée d'isolement persiste même si le tableau représente un groupe de personnages et se retrouvera dans les oeuvres qu'il consacrera aux salles de théâtres ou de cinéma, aux chambres ou aux halls d’hôtels. Je ne suis pas spécialiste de ce peintre mais je ressens sa peinture comme une activité de compensation face à une vie qu'il supporte plus qu'il ne l'apprécie. Sa dernière toile, « deux comédiens », semble vouloir nous dire qu'il a fait son parcours aux côtés de son épouse, comme s'il avait joué un rôle, grimé en acteur, et trouvé dans celui-ci une raison d'exister.

Hopper est un peintre figuratif qui n'a guère changé de style. Il a du également lutter contre l'expressionniste abstrait très en vogue à son époque mais son style n'a jamais vraiment varié si on excepte sa période impressionniste.

Cet ouvrage complète l'étude entamée depuis de nombreuses années sur ce peintre emblématique américain. Il m'a prêté un bon moment de lecture.


 


 

© Hervé GAUTIER – Mars 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]

 
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