Ad occhi chuisi
- Par hervegautier
- Le 16/05/2016
- Dans Gianrico Carofiglio
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La Feuille Volante n°1042– Mai 2016
AD OCCHI CHIUSI – Gianrico Carofiglio – Sellerio Editore Palermo.
Guido Guerrieri est un avocat de Bari, pas vraiment âpre au gain, plutôt intègre, conscient de ses fragilités et dédié aux bonnes causes, même si elles sont perdues d’avance. Sa vie se déroule au quotidien sans événement vraiment marquant quand le hasard de son métier lui permet de rencontrer, par le truchement de « sœur Claudia », une religieuse aussi belle que mystérieuse, une jeune femme, Martina, qui après quelques années de vie maritale mouvementées avec un médecin qui la maltraite et la harcèle, a dû fuir le domicile conjugal et souhaite se porter partie civile contre lui. Or, cet homme est à la fois un notable mais surtout le fils de l'un des juges les plus influents de la Cour d'Appel. Du coup tous les confrères de Guido lui ont refusé leur concours et leur aide. Ce sera donc une affaire pour lui, même si chacun le met en garde et lui déconseille de se fourrer dans ce guêpier. De plus, la pauvre Martina, fragile et déstabilisée devant la Cour, est accusée de maladies mentales, ce qui, selon l'avocat de la partie adverse, altère son jugement et jette le doute sur la qualité de son témoignage. Guido, quant à lui devra faire face à un avocat retors et un juge pas vraiment bien disposé envers lui, une sorte de bataille de David contre Goliath !
Ce texte est l'occasion pour Guerrieri de puiser dans les souvenirs, bons ou mauvais de son enfance avec ses odeurs de nourriture qui maintenant se mêlent à celles des livres. C'est aussi pour l'auteur l'occasion d'offrir à son lecteur une galerie de nombreux portraits. Je retiens volontiers celui de « Sœur Claudia », une religieuse atypique, qu'il prend d'abord pour un officier de police puisqu'elle porte jeans, veste de cuir et enseigne la boxe chinoise. Elle est directrice du foyer d’accueil pour femmes battues et a bien entendu présenté Martina, une femme pauvre et anonyme à Guido pour qu'il la défende. Pour autant, les femmes qu'il croise lui font toujours de l'effet et notamment sœur Claudia et les informations qu'elle lui donne à propos des arts martiaux dépassent largement le cadre de ses cours sur la boxe chinoise. Chacune de leurs rencontres a quelque chose d'électrique, de magnétique même, un peu comme si Guido était subjugué par elle, tout comme elle d'ailleurs. Cela en fait un personnage assez énigmatique qui, à la fin, lui raconte son histoire ! Pourtant, il vit avec Margherita dont il est amoureux. C'est un homme cultivé, humain, humaniste, intuitif, consciencieux que nous voyons dans l'exercice de son métier d'avocat dans d'autres affaires qu'il est amené à défendre, ce qui égare un peu le lecteur. Cela en fait, non pas un « giallo » comme disent nos amis italiens, puisqu'il il n'y a pas vraiment d'enquête, mais un compte rendu des débats devant la Cour, ce qui en fait un authentique roman judiciaire qui ne fait pourtant pas l'impasse sur le suspense.
Ce roman (son deuxième) se lit bien, même pour moi en italien, et c'est toujours un plaisir d'aborder cet auteur comme je l'avais fait un peu par hasard avec « Testimone inconsapevole »[Il s'agissait de son premier roman auquel il fait d'ailleurs plusieurs allusions]. J'ai apprécié les descriptions du texte, sa sensibilité et son humour, mais peut-être un peu moins les références au code pénal italien, ce qui, chez Carofiglio est pardonnable puisqu'il est lui-même magistrat. Ce roman mêle la violence faite aux femmes, l'inceste mais aussi le temps qui passe pour Guido, la vieillesse qui vient et la déprime qui accompagne tout cela. Quant à l'épilogue, il est assez inattendu et présente sœur Claudia comme une femme vraiment hors du commun .
© Hervé GAUTIER – Mai 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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