La madre
- Par hervegautier
- Le 15/09/2024
- Dans Grazia Deledda
- 0 commentaire
N°1930 – Septembre 2024.
La Madre – Grazia Deledda – Stock.
Traduit de l’italien par Madeleine Santschi.
Court roman paru en 1919, en feuilleton, puis édité en 1920. Cette œuvre traduit le trouble de Maria Maddalena, la mère de Paulo, devenu le curé d’un pauvre village sarde et qui a suivi son fils dans son ministère. Il est entré dans les ordres davantage pour échapper à la misère que par foi religieuse. Accueilli comme le Messie à son arrivée, il ne tarde pas à tomber amoureux d’Agnese, une femme riche et seule qu’il va retrouver la nuit. Cette relation risque de devenir publique à cause d’elle, agacée par les hésitations de Paulo. Tout le roman repose sur les réflexions, les remords de cette mère qui a suscité chez son fils cette vocation pour la prêtrise, face au péché irrémédiable du jeune ecclésiastique. Paulo n’est pas exempt de troubles psychologiques, lui qui a consacré sa vie à la purification des âmes de ses semblables et doit tenir ce rôle vis à vis de ses paroissiens, mais ne parvient pas à se libérer de cet amour caché mais authentique qui doit évidement, rester secret. Les pensées douloureuses de ces deux protagonistes s’entremêlent au cours de ces pages. C’est aussi la certitude que, pour un homme, l’amour de la femme doit passer par de détachement de la mère, à la fois gardienne respectée des traditions et frein au bonheur. Ce roman illustre le combat entre l’amour de Dieu et la tentation de la chair, entre la vie et la mort, la fatalité, l’expiation du péché, la culpabilité, l’interdit de l’amour mais aussi des questions récurrentes, le célibat des prêtres, la chasteté, l ‘hypocrisie, le mensonge …
Les événements évoqués se déroulent sur deux jours et les émotions se mêlent à l’action, aux évocations du passé, aux remords, à un impossible avenir.... Le doute, les hésitations viennent brouiller les décisions de ces deux personnages tourmentés, avec en contre-point la figure incontournable du diable, symbolisé par le vent, mais aussi de fantômes du passé et de miracles apparents qui troublent l’esprit des paysans.
Il y a une opposition entre ces deux femmes, Maria Maddalena, très présente qui incarne l’image non seulement de la mère, vertueuse, aimante mais torturée mais aussi celle de la servante dévouée, effacée, de la pieuse femme sarde à la foi archaïque et superstitieuse, et Agnese qui dans ce roman incarne l’ image de la tentation et du péché mais aussi de l’incitation à bouleverser un ordre social établi et immuable .
Il y a un autre personnage, Antioco, l’enfant de chœur, naïf et innocent qui admire le jeune curé et veut devenir prêtre comme lui mais ne sait rien de ses états d’âme et de sa conduite. Il interprète l’image que lui donne ce dernier comme des manifestations de la sainteté de Paulo et de la grandeur de son ministère. Avec Maria Maddalena et Agnese, il illustre les contradictions du prêtre.
Ce roman ne passa pas inaperçu à sa publication puisqu’il fut préfacé par D.H. Lawrence et traduit en anglais.
Grazia Deledda (1871-1936) est l’auteure d’une abondante création littéraire, plus de 50 volumes, romans et nouvelles dont beaucoup publiés en français, mais aussi théâtre poésie et traduction. Elle a été la première femme italienne à recevoir le Prix Nobel de littérature en 1926. En 2013 le réalisateur italien Angelo Maresca s’est inspiré de ce roman pour son film éponyme. Elle a publié ses premiers textes à l’âge de 17 ans ce qui, pour une jeune fille de cette époque qui devait restée discrète, était exceptionnel. Elle s’est affirmée comme une écrivain sarde, amoureuse de son île et de son peuple, un univers rigide et archaïque dont elle s’est fait le témoin dans toute son œuvre sans oublier d’évoquer la condition des femmes. Elle a également choisi de traiter notamment de l’inceste dans son roman Elias Portolu, considéré comme son chef d’œuvre ce qui, pour une femme de cette époque témoigne d’un certain courage. Ici s’entremêlent les thèmes de l’amour et de la mort, mais aussi pour l’homme celui du choix de la soutane et du refus de l’amour face au scandale. Là aussi il y a renoncement et choix de la religion comme seule réponse face à la solitude de la femme.
Son style est influencé par le vérisme, Mouvement artistique italien de la fin du XIX° siècle, à peu près analogue au naturalisme français incarné par Émile Zola. Grazia Deledda, bien que vilipendée à son époque est en effet une auteure majeure, témoin de son temps, au style simple, sans érotisme , aussi pertinent dans les analyses des sentiments des personnages qu’il est agréable à lire dans les descriptions de paysages.
© Hervé GAUTIER – La Feuille Volante - http://hervegautier.e-monsite.com]
Ajouter un commentaire