MON ANGE - Guillermo Rosales - ACTES SUD.
- Par hervegautier
- Le 03/04/2009
- Dans Guillermo Rosales
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N°276 – Juillet 2007
MON ANGE – Guillermo Rosales – ACTES SUD.
Ce n'est pas de la morbidité, mais j'ai toujours eu un intérêt marqué pour les créateurs qui ont choisi de se suicider. Guillermo Rosales est de ceux-là qui ont eu, à mes yeux, la lucidité, d'aucuns diront le courage et d'autres la lâcheté, c'est selon, de regarder la vie en face et d'en finir volontairement, sans attendre que le hasard s'en charge.
Il y aura toujours des gens pour vilipender cet acte et d'autres pour le magnifier... Pour moi, ce qu'ils écrivent reste un témoignage plus poignant que les autres sans doute parce que l'écriture ne leur a pas permis d'exorciser cette vie, d'autant que leurs œuvres sont souvent posthumes ou circulent sous le manteau, comme quelque chose de précieux ou de dangereux et qui indique peut-être qu'ils ne sont déjà plus de ce monde. Ce fut le cas de ce roman dont l'auteur s'est suicidé à 47 ans, à Miami.
Ce qui est décrit ici, c'est un univers parallèle, où survivent des marginaux qui n'ont jamais pu ou voulu s'intégrer à cette société parfaite, ou prétendue telle, qui est celle des États-Unis. Ils ne le feront d'ailleurs jamais puisqu'elle reste constituée de gens qui ont réussi ou, à tout le moins montrent tous les signes extérieurs de leur richesse, jusqu'à l'ostentation; l'auteur parle d'eux comme des « triomphateurs », ces Cubains exilés, capables de toutes les compromissions et toutes les bassesses pour vivre ce fameux « rêve américain » qu'ils sont venus chercher.
Ils sont bien différents des fous, réfugiés dans ce « boarding home », sorte de phalanstère pour paumés qui n'ont pas ailleurs où aller, avant-dernière demeure avant de basculer dans le néant de la mort. Ils sont noirs, rejetés par la société américaine ou latinos fuyant leur pays et venus chercher ici un improbable « el dorado » qu'ils n'atteindront jamais. Mais voilà, dans ce microcosme, ils ne sont guère mieux. Non seulement ils sont la proie de profiteurs mais aussi de plus minables qu'eux qui, en quelque sorte et à leur détriment, prennent une sorte de revanche sur cette vie. Ici, toute une société se reforme, fixe ses règles non écrites, se développe sur ses propres vestiges...
Alors, William Figueras, trente huit ans, ancien communiste cubain qui a fui son pays, rejeté par sa famille, cultivé mais déstabilisé par la vie, s'est refait un monde où il entend des voix, lit des romans et des poèmes, écrit des livres qui ne seront jamais publiés. Il ne se trompe pourtant pas sur sa condition « Je ne suis pas un exilé politique. Je suis un exilé total. Je me dis parfois que si j'étais né au Brésil, en Espagne, au Vénézuela ou en Scandinavie, j'aurais fui tout autant leurs rues, leurs ports et leurs prairies »
Il se retrouve dans ce« boarding home » infecte où il ne se sent même pas bien mais glisse petit à petit, sans même s'en rendre compte, vers une violence faite aux plus faibles que lui. La souffrance qu'il éprouve appelle la souffrance qu'il va infliger aux autres. Il finira par trouver l'amour avec une fille aussi paumée que lu qui ne cesse de lui répéter « Mon ange », mais leur histoire sera contrariée par le reste du monde, parce que il ne peut sans doute en être autrement.
Petite société miniature qui côtoie la grande mais n'a rien à lui envier. Les deux se ressemblent, surtout par leur côté délétère, mais William, résigné, accepte l'enfermement physique qui ressemble à son enferment moral dont le lecteur comprend qu'il ira en s' aggravant. Figueras perdra l'habitude de lire et d'écrire et ne trouvera d'issue que dans la mort.
© Hervé GAUTIER - juillet 2007
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