la feuille volante

Pierre et Jean

N°1828 – Février 2024.

 

Pierre et Jean - Guy de Maupassant – Garnier.

 

M. et Mme Roland sont d’anciens modestes boutiquiers parisiens retirés au Havre avec leurs deux grands fils encore célibataires et non installés à leur compte. L’aîné, Pierre est médecin et Jean est avocat. Ils mènent ensemble une vie paisible. Il y a toujours eu entre les deux frères qui ne se ressemblaient pas physiquement une rivalité, la mère ayant une préférence pour Jean qui lui s’intéresse de plus en plus à leur voisine, Mme Rosémilly, une jeune et jolie veuve qui ne lui est pas indifférente. Cette jalousie entre les deux frères devient exacerbée au moment d’un testament rédigé au profit exclusif de Jean et qui fait de lui l’héritier d’une fortune au décès de Maréchal, un ancien ami parisien de la famille. Un doute, d’ailleurs suscité par d’autres proches, commence à s’insinuer dans la tête de Pierre au sujet de la fidélité de sa mère et l’auteur, avec un art consommé du suspense, détaille tout ce qui se passe dans sa tête, entre doute et recherches objectives de ses interrogations. La décision qu’il prendra pour son avenir personnel est révélatrice de ses questions refoulées ou restées sans réponse. C’est une étude psychologique de personnages, dans un quasi-contexte d’investigations policières qui tourne qu’autour de Pierre qui est le seul de la famille à hésiter alors que Jean prépare son mariage avec Mme Rosemilly.. De leur côté la mère reste tout d’abord en retrait puis finit par se confesser à Jean qui est bouleversé par ses aveux, Il ne regardera plus sa mère de la même façon mais son égoïsme naturel reprendra le dessus et, en voyant son frère s’éloigner, c’est un peu comme si la page se tournait pour lui, son avenir est assuré. Seul M. Roland continuera à vivre sur sa petite planète sa vie d’imbécile heureux sans rien soupçonner de l’infidélité de son épouse. C’est d’ailleurs là un trait commun à tous les cocus. Il y a peut-être une sorte de répétition entre l’attitude passée de Maréchal et celle actuelle de Mme Rosémilly, chacun des deux désirant quelque chose qu’il a fini par obtenir à force ténacité et cela explique la décision finale de Pierre, désabusé devant la vraie image de sa mère qui lui est ainsi révélée, celle d’une femme adultère.

Que penser de cette histoire pas si fictive que cela ? Que tout finit par se savoir un jour, que la vérité finit toujours par éclater, qu’il ne faut jamais se fier à ce qu’on voit, que l’hypocrisie et le mensonge se révèlent souvent au moment où on les attend le moins, que tout cela n’est qu’un épiphénomène dans la vie d’un couple ? Tout cela est l’image d’une nature humaine décidément bien loin de l’idéal bourgeois.

Dans ce roman qui date de 1887 on sent dans le style de Maupassant, plus peut-être que dans ses nombreuses nouvelles et particulièrement dans les descriptions, l’empreinte de Zola qui fut son modèle de même que Flaubert. Cela fait de lui un écrivain naturaliste et réaliste. Il est aussi possible de déceler dans la personnalité de Pierre des connotations personnelles, le père de l’auteur, homme volage, se sépara de son épouse et on prétendit même, cependant sans preuves formelles, qu’il est le fils naturel de Flaubert. A travers Pierre l’auteur semble dire son amour pour les mères et son mépris pour les femmes infidèle ou vénales ;

Une autre originalité de cette œuvre est que Maupassant lui-même est l’auteur de la préface de son livre où il révèle sa vision du roman en général.

C’est le quatrième roman de Maupassant, mais pas le seul, plus célèbre cependant pour ses contes et nouvelles. Il fut écrit sans désemparer en un été. C’est, dans une langue toujours belle, une étude pertinente de l’espèce humaine qui ne limite pas à son époque. 

 

 

 
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