LA FAILLE SOUTERRAINE – Henning Mankell
- Par hervegautier
- Le 21/06/2013
- Dans Henning Mankell
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N°652– Juin 2013. LA FAILLE SOUTERRAINE – Henning Mankell – Policiers SEUIL Traduit du suédois par Anna Gibson. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'ai eu très tôt une passion pour les romans policiers. Bizarrement, j'ai toujours été moins attiré par l'histoire, l'énigme policière, que par le roman lui-même et surtout les personnages. Ces derniers m'ont toujours paru beaucoup intéressants par leur personnalité, leur psychologie, leur façon d'agir, la qualité de leur raisonnement, leur histoire personnelle même. Dans ce volume qui est en fait un recueil de cinq nouvelles plus ou moins longues, dont l'action se situe avant les titres déjà parus, l'auteur nous présente les débuts dans la police de Kurt Wallander, déjà héro d'une série que la télévision a popularisé et que le succès littéraire a consacré. Dans « Le coup de couteau », nous sommes en 1969, il est encore jeune gardien en uniforme de 22 ans qui va intégrer la criminelle à Malmö, autant dire qu'il apprend son nouveau métier. Il rencontre Mona qu'il épousera et avec qui il aura une fille, Linda, a déjà des relations houleuses avec son père qui n'a jamais admis son engagement dans la police. Son côté un peu perdu me plaît bien, il n'est guère un amoureux flamboyant, est plutôt en retard à ses rendez-vous, n'est pas vraiment le Don Juan irrésistible que nombre de films du même genre nous ont donné à voir... Le personnage se révèle éminemment humain et réfléchit avant d'agir mais fait des erreurs, écoute son intuition, son entêtement et son désir de s'abstraire des procédures réglementaires, de privilégier les enquêtes parallèles, marquent déjà le futur inspecteur. Je n'ai jamais goûté les feuilletons américains du même tonneau où l'hémoglobine coule à chaque scène parce qu'un américain est avant tout un cow-boy qui sait faire honneur à la tradition et l'usage systématique de son arme. Avec le déroulement des récits, nous le voyons vieillir, il monte en grade, devient commissaire et est affecté en Ystad, se montre de plus en plus dépressif, à cause des meurtres sanglants dont il a à connaître dans le cadre de ses enquêtes mais aussi sans doute de sa vie affective qui part à la dérive. Il combat cela par l'alcool et ce n'est sans doute pas ce qu'il fait de mieux. Dans « La mort d'un photographe », sa femme a obtenu une séparation amiable, ne vit plus avec lui et supportait sans doute mal son travail de policier comme c'est le cas de la plupart des épouses de flics. Seule Linda, leur fille, maintient encore un semblant de lien dans leur couple. Kurt se sent seul parce qu'elle lui manque, lui échappe aussi et il mesure sur lui-même le temps qui passe, la vieillesse qui arrive. Dans « La pyramide », il est définitivement divorcé et un peu paumé, Linda, alors âgée de 19 ans, cherche sa voie et lui tente sans grande conviction une liaison avec une autre femme mais sent bien que cela ne marchera pas. Il a de la vie une autre vision mais a, lui aussi, été rattrapé par elle, a subi ses leçons. La mélancolie qui en résulte lui donne un côté humain qui le fait ressembler au commun des mortels, une sorte d'anti-héros en quelque sorte, un policier qui fait passer son métier avant tout, un homme de bonne volonté. Même s'il y a autour de lui une équipe de policiers chevronnés, il reste un homme seul d'où émane une certaine mélancolie et qui est aussi doué pour passer à côté de son propre bonheur. Il incarne à lui seul ce qu'il est convenu d'appeler « l'inquiétude suédoise » et enquête bien souvent sur des solitaires comme lui, victimes ou auteurs. Cela dit, le suspense est savamment distillé au cours des récits et jusqu'à la fin, le style est agréable à lire. C'est à chaque fois un bon moment de lecture. © Hervé GAUTIER - Juin 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com |
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