OPIUM POPPY – Hubert Haddad
- Par hervegautier
- Le 21/10/2013
- Dans Hubert Haddad
- 0 commentaire
N°686– Octobre 2013.
OPIUM POPPY – Hubert Haddad - Folio
A la lecture de la 4° de couverture, je me suis dit que j'allais encore avoir droit à la sempiternelle histoire d'un drame de l'émigration avec l'aventure mouvementée d'un petit garçon afghan récupéré par des groupes islamiques qui ont fait de lui un martyr potentiel en lui promettant le paradis d'Allah et ses « houris », fasciné par le Coran, manipulé par des religieux avec en prime la Charia et le Djihad, attiré par l'occident et son assurance d'échapper à la misère grâce aux trafics en tous genres.
Il y a quand même un peu de cela dans ce roman qui retrace le parcours d'Alam, le jeune afghan. Pour lui comme Yuko le Kosovar, pour Poppy, et pour Diwani la Toutsi, la vie est un désastre, un échec synonyme de souffrances. Ils sont côtoyé les atrocités de la guerre, la violence, la barbarie, la mort au point que ne connaissant pas autre chose, ils se l'approprient comme une règle unique de survie. Alam l’Évanoui, ainsi surnommé parce qu'il n'a pas supporté la circoncision, est né dans les montagnes afghanes et, à part l'amour furtif et vite étouffé qu'il a éprouvé pour Malalaï , n'a connu autour de lui que le sang et les larmes dans les luttes que se livrent les chefs rebelles et l'armée régulière, les trafiquants de pavots et les talibans intégristes. Il a même dû tuer son frère que pourtant il admirait et à qui il emprunte le prénom. Enrôlé de force dans un camp de terroristes, il doit tuer pour lui-même ne pas être tué et surtout il doit obéir aveuglément et sans discuter à ses chefs. Grièvement blessé par ceux-là mêmes qu'il sert, il est recueilli et soigné dans un camp de réfugiés d'où il s'enfuit. Il arrive à Paris après un long parcours cahoteux mais pourtant, aux pays des Droits de l'Homme, il sera un clandestin et « privé d'identité autant que de ressources » n'aura d'autres choix que de retrouver en banlieue parisienne des dealers étrangers, des drogués, des petites frappes et sa condition d'enfant esclave, indigent et toujours combattant qui regarde de loin le confort et la richesse auxquels il n'aura jamais droit de ceux qui veulent l'ignorer.
Poppy, c'est la fleur de pavot, l’opium qui fait tout oublier et qui tue. C'est aussi la petite junkie, protégée de Yuko qui n'en finit pas de mourir sous les coups de la drogue que retrouve Alam en banlieue. Elle assistera à ses derniers moments car la mort qui l'a épargné dans les montagnes d'Afghanistan est venu le cueillir en France. Il n'a jamais cessé d'être un enfant-soldat.
Il y a dans ce texte poétique des mots qui s'entrechoquent et chantent entre eux, même quand l'auteur choisit d'évoquer un paysage sordide de banlieue où la désolation des usines désaffectée et squattées le dispute à la solitude des barres d'immeubles des citées désœuvrées et livrées aux caïds. C’est un beau texte, émouvant, qui se lit d'un trait, à la fois tragique et percutant. Il se veut une leçon, une prise de conscience, une occasion de réfléchir sur l’innocence de cette enfance volée par la guerre, sur l'absence d’accueil que L'Europe leur réserve. Cette indifférence qui n'est sans doute pas valorisante est un signe des temps. C'est probablement de l’égoïsme mais le quotidien même en occident est lui aussi plein d'enseignements, pas forcément compatible avec l’accueil et la charité qu'on attend de lui. Se protéger contre la drogue qui hypothèque sa jeunesse et mine les fondements de la société est aussi un devoir pour la collectivité.
© Hervé GAUTIER - Octobre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
Ajouter un commentaire