LA BALLADE DE WILLOW
- Par hervegautier
- Le 23/02/2015
- Dans Jamie Ford
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N°871– Février 2015
LA BALLADE DE WILLOW – Jamie Ford – Presses de la Cité.(2013)
Traduit de l’américain par par Isabelle Chapman.
Avec deux « l », ce qui donne, dès le titre la dimension poétique de l'ouvrage. La traduction du titre original « Songs of Willow Frost » est bien rendue.
Nous sommes en 1934 à Seattle, aux États-unis. William Eng est pensionnaire depuis cinq années dans la très stricte institution du Sacré-Chœur où sa mère, Lui Song l'a abandonné au plus fort de la crise économique. Il avait alors 7 ans. Il n'est d'ailleurs pas le seul et pas mal de ses camarades d'infortune ont connu le même sort. Pour eux, seule une adoption peut leur permettre d'échapper à cet enfermement ou le très hypothétique retour de leur parents. Devant le peu de nouvelles, le garçon avait fini par se faire à l'idée que sa mère était morte. Les distractions sont rares dans l’établissement et un jour, par hasard, au cinéma, il reconnaît le visage de sa mère dans la bande annonce, ce qui bouleverse le gamin. Elle se fait appeler maintenant Willow Frost et a entamé une carrière de danseuse après avoir été chanteuse de rues puis de danseuse dans un speakeasy, activités brusquement interrompues par un internement dans un asile psychiatrique. Il décide donc de s'échapper pour la rejoindre.
L'auteur nous balade dans Chinatown et dans Seattle dont il nous détaille l’histoire et la géographie évoque les traditions chinoises et la crise de 1929 qui ressuscita les instincts mortifères de certains et qui obligea les familles pauvres à se séparer de leurs enfants devenus une charge. Il ne nous épargne rien du parcours difficile de Lui Song devenue Willow Frost, de l’impossibilité de vivre une vraie histoire d'amour avec Colin, un chinois, future vedette de cinéma, qui est éperdument amoureux d'elle mais qui sera lui aussi victime des traditions et des obligations familiales. Nous assistons à son combat de « fille-mère » ce qui à l'époque était fort mal vu dans une Amérique puritaine et dans la société chinoise, surtout quand cela touchait les gens du spectacle. Il nous parle de l'amitié qui existe entre William et Charlotte, la petite aveugle de l’orphelinat qui finira par refuser son départ avec son père. En réalité il nous fait partager le destin de Willow et de son fils, tous deux marqués définitivement par la malchance qui amène la mère à se sacrifier pour garder son fils mais qui est quand même forcée de l'abandonner. Il dénonce les mauvais traitements infligés aux enfants dans cet orphelinat par des religieuses désireuses sans doute de leur faire payer les erreurs de leurs parents et surtout désireuses de se débarrasser de leur pensionnaires quand un opportunité se présente. Du point de vue documentaire, ce roman est intéressant, précis dans ses descriptions et ses évocations, en revanche, je n'ai guère retrouvé la dimension poétique promise par le titre. J'ai même mis quelques temps à entrer dans l'histoire et ce n'est que vers la fin que les images décrites m'ont paru plus touchantes, plus émouvantes, que ce roman est véritablement devenu bouleversant. L'auteur mérite cependant d'être regardé comme un véritable conteur.
Une question est soulevée par ce roman, c'est celle de la culpabilité que peuvent ressentir les enfants ainsi abandonnés par leurs parents. Cette vision judéo-chrétienne, cultivée pendant des siècles par la religion catholique, dans le seul but de déstabiliser les hommes et de compliquer leur vie qui l'est déjà assez, m'a toujours paru hors de la réalité et pour tout dire inutile. Cette affirmation qui n'ajoute rien à l'existence des humains qui ne font ici-bas qu'un bref passage, mérite d'être combattue.
Un autre thème est celui de la malchance qui accable certains et en épargne d'autres. Cela me rappelle ce mot de Blaise Cendras « La chance on ne l'apprend pas, on l'a ». Ce roman me paraît l'illustrer parfaitement. On y donne bien entendu l'explication qu'on veut !
Un autre point soulevé par ce roman est le pardon, d'ailleurs à peine esquissé. Pour être accordé il doit être sollicité et Willow ne fournit à William qu'une explication sur sa conduite, pas une véritable demande d'absolution. Certes son fils lui pardonne mais elle ne le sait pas. Seule la suite nous le laisse deviner. Le roman se termine sur cet « happy end » qui tombe bien mais ne correspond malheureusement pas toujours à la réalité de la vraie vie, mais nous sommes dans une fiction, n'est-ce pas ?
.©Hervé GAUTIER – Février 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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