Un hosanna sans fin
- Par hervegautier
- Le 14/02/2019
- Dans Jean D'Ormesson
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La Feuille Volante n° 1324
Un hosanna sans fin – Jean d'Ormesson – Éditions Héloïse d'Ormesson.
Avec cet ouvrage publié en août 2018, Jean d'Ormesson clôt sa trilogie commencée avec « Comme un chant d'espérance » et poursuivie avec « Guide des égarés ». Cet immense écrivain, disparu en décembre 2017, qui a servi admirablement notre belle langue française tout au long de sa vie, nous prouve, s'il en était besoin, qu'il est un authentique « immortel ».
Il a consacré une partie de son œuvre à puiser dans sa biographie et à réfléchir sur le sens de la vie et de la mort, sur l'existence de Dieu. Il se penche sur notre naissance, rappelle qu'elle reste un mystère, due au hasard ou est prévue de toute éternité mais résulte avant tout de la copulation d'un homme et d'une femme qui sont nos parents, qu'avant nous n'étions nulle part et qu'il y a des chance pour que ce soit la même chose après notre mort, que nous ne sommes pour rien dans notre venue sur terre et que nous ne sommes sûrs que d'une chose, notre mort, parce que c'est la condition humaine. Entre notre naissance et notre mort, il y a notre vie dont nous sommes les victimes parce que nous ne l'avons pas voulue, mais qui reste une aventure unique, une chance ou une souffrance, une bénédiction ou une malédiction selon le cas, moins le domaine de la liberté que celui des possibilités sans que nous sachions bien ce que nous sommes venus faire ici-bas. Nous devenons héro ou salaud, quidam ou célèbre ! Il prétend que nous sommes viscéralement attachés à notre vie parce que, en la quittant, nous entrons dans l'inconnu et que c'est angoissant, parce que l'après-mort sera toujours une interrogation et que ce qui distingue l'homme des autres êtres vivants, c'est sa faculté de penser. Malgré cela, nous passerons notre vie à oublier cette échéance fatale, avec pour seule consolation la science qui nous aide à tout comprendre de la réalité du monde depuis le début, depuis le Big Bang. Il note alors que le vide régnait dans l'univers, la vie commençait timidement et en silence à s'organiser sans qu'on sache exactement comment ni à partir de quand. Plus tard, avec la venue de l'homme, se développeront les sentiments, la sensibilité, la souffrance, la notion de liberté, l'intuition de l'individu avec sa propension pour le mal et la mort qui s'impose parce que la vie est forcément temporaire. Face à cela la pensée qui est l'enchantement du monde va lentement s'installer et avec elle la parole puis triompher parce que Dieu, à l'origine de toutes choses, laisse l'homme libre de se substituer à lui, au hasard ou à la nécessite parce qu'il est orgueilleux. La pensée va donc transformer l'univers, éclairer et embellir ce monde grâce au langage qui exprime la vérité, organise les passions, la connaissance et donne naissance aux vertus qui sont le moteur de toute civilisation. Avec l'émergence du bien et du mal, deux concepts qu'on recherche et qu'on fuit naturellement, va s'installer l'erreur qui est la dimension diabolique de cette faculté de choisir, mais aussi l'espérance et l'angoisse qui selon notre auteur rapprochent l'homme de Dieu. La pensée humaine est fragile, est elle aussi appelée à disparaître parce que tout en ce monde est contingence. Mais qu'y aura-t-il après, demande-t-il. Ce qui est sûr c'est que la science qui pourra sans doute un jour tout expliquer de notre vie ne pourra jamais élucider notre destin après la mort ni apaiser notre angoisse. Y a-t-il donc autre chose ? Notre auteur tente une réponse : la religion et spécialement le monothéisme et la foi qui s'y attache. L'histoire est là pour nous enseigner que la religion, liée au doute et à l'ignorance et parfois même à l'absurde, a aussi déchaîné les passions et généré la mort autour d'elle. Notre auteur rappelle que la foi(et évidemment la foi chrétienne) est une chance puisqu'elle a inspiré la création d’œuvres d'art, a contribué, par la « grâce » qui est d'essence divine, à l'évolution des sociétés humaines et même à l'émergence d'une pensée laïque.
Puis viennent les confidences intimes, notre auteur confessant son agnosticisme, son ignorance à propos de l'existence de Dieu, tout au plus la souhaite-t-il ardemment, au moins a-t-il remplacé la foi par l'espérance parce qu'un monde sans Dieu serait injuste parce qu'Il est espérance ! Il en fait donc « le pari » mais note que la religion n'est pas sans faille. Il ne nous resterait, selon lui, que la naïveté et la gaieté mais la question reste entière : Que faisons-nous ici ? L'homme, et non le hasard, a organisé le monde en fonction de la nécessité. Et Dieu dans tout cela ? Il est un mystère ou plus exactement une invention des hommes, née de leur imagination et de leurs angoisses, une idée plus humaine que divine. Il est pourtant difficile, voire impossible d'imaginer Dieu mais il en va de même selon lui du miracle de la vie qui chaque se déroule sous nos yeux et les chrétiens ont au moins un modèle incontestable : Jésus-Christ.
J'ai lu attentivement ce petit livre autant par curiosité que par nécessité de recueillir une ultime fois le message d'un penseur que je ne partage pas entièrement. J'ai goûté avec le même plaisir ce texte sobre, érudit et remarquablement écrit, j'ai apprécié son humilité devant la mort, l'analyse pertinente qu'il fait des interrogations humaines, mais je dois dire que je m'attendais à quelque chose qui éclairerait mes doutes et résoudraient mes questions. J'ai été un peu déçu sur ce point. Que notre auteur qui a sans doute eu une belle vie, en attribue le mérite à un Dieu dont il imagine l'existence et l'en remercie, on peut facilement le concevoir. Dans la liturgie chrétienne, un hosanna, est une acclamation de joie, celle que le peuple a crié à Jésus lors de son entrée dans Jérusalem et qui nous est rappelée à la fête des Rameaux, mais c'est aussi une prière pour être sauvé. C'est peut-être l'ultime espoir de notre auteur ?
©Hervé GAUTIER – Février 2019. http://hervegautier.e-monsite.com
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