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la feuille volante

Hasard suivi de Angoli Mala

N° 1498- Août 2020.

 

Hasard suivi de Angoli Mala – J.M.G.Le Clezio – Gallimard .

 

« Hasard, » c’est la rencontre de plusieurs vies, celle de Nassima, une petite fille  qui vit avec sa mère à Villefranche et qui rêve de retrouver son père, un médecin antillais, parti en les abandonnant, celle de Juan Moguer, la soixantaine, un richissime producteur de cinéma sur le déclin qui sillonne les mers sur son voilier, le « Assar », et celle de ce bateau. Quand il mouille dans la baie, la petite fille, devenue Nassim et déguisée en garçon devient son passager clandestin. Découverte, elle est initiée par Moguer à la navigation, s’intègre au maigre équipage fait de ces deux hommes solitaires dont l’un, Andriamena, sera rattrapé par son passé et elle s’émerveille du spectacle de la mer. Cet homme la prend sous sa responsabilité, un peu comme si elle était sa fille qui a le même âge mais qu’il voit peu à cause de son divorce.

La passion de Le Clezio pour la mer et pour le voyage est communicative à cause des termes techniques maritimes mais surtout grâce à la magie poétique de son écriture. Elle rend compte de la beauté de la nature et de la mer autant que l’appétit de liberté qui caractérise son œuvre et qui se retrouve évidemment ici avec en plus l’émotion distillée par la fin du voilier et surtout la mort de Moguer malgré la chaude présence de Nassima, l’existence limitée et éphémère des choses et des hommes . Il y a une corrélation entre le titre de ce roman (hasard) et le nom du bateau (Azzar), beau yacht qui navigue sur les mers du globe avec à sa barre Noguer qui fuit son passé en s’accrochant à ce symbole, désireux aussi d’échapper à sa nouvelle condition, lui qui a été influent, séducteur, maître des destinés et qui maintenant n’est plus rien, vieux, ruiné, taiseux, abandonné de tous, il est l’image de la condition humaine. Les relations entre Nassima et Noguer sont à ce point ambivalentes qu’il croit retrouver sa fille sous les traits de la jeune fille et elle son père disparu au point d’accompagner ses derniers moments et ceux de son navire . Leur histoire commune est hachée, intimement liée à ce bateau qui pour lui est un symbole et pour elle un espoir et qui d’ailleurs sombre avec lui.

Le hasard qui est une des grandes interrogations, parfois contradictoires des hommes, est lui-même un phénomène aléatoire déclencheur d’événements non liés à une cause précise et dont le symbole est le jeu de dés. Dans la vie de chacun d’entre nous, le hasard tient une place beaucoup plus grande que nous voulons bien l’admettre, entre liberté individuelle et destin, il est toujours entouré de mystère. Ce sont des rencontres qui bousculent nos certitudes les mieux ancrées en nous et nous insufflent une folie qui nous fait croire que tout est possible et qui ainsi bouleverse les choses les mieux établies pour la poursuite aventureuse de chimères au point de nous faire douter de nos plus solides illusions. Il est à l’image de ce bateau, microcosme poussé par le vent qui porte dans ses flancs des rêves de voyage mais échoue sur un quai oublié et de cet homme et de sa splendeur passée.

Le deuxième texte qui s’inspire d’une légende indienne met en scène, un jeune indien de 18 ans, Bravito, orphelin et éduqué par un pasteur qui veut retrouver sa forêt d’origine mais pour survivre doit accepter de travailler pour des contrebandiers et les policiers véreux. Il découvrira la déchéance de son peuple miné par l’alcool.

Il est toujours tentant, s’agissant de la publication de deux textes que quinze années séparent et qui sont deux textes indépendants l’un de l’autre, de découvrir ce qui les lie. Bravito comme Nassima vivent dans un contexte de liberté symbolisé par la mer et par la forêt, mais pour chacun d’eux, comme pour nous tous le temps passe et imprime sur nous sa marque. Ils se sont donné un but qu’ils n’atteindront peut-être pas mais qui leur servira de boussole pour un temps et qui nourrira leurs illusions. Désir d’absolu et volonté de retrouver ses racines dans les deux textes. Autant j’ai eu plaisir à être attentif au premier texte autant, entrer dans le second m’a paru difficile.

 

 

 

 
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