L'URGENCE ET LA PATIENCE
- Par hervegautier
- Le 11/03/2015
- Dans Jean-Philippe TOUSSAINT
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N°879– Mars 2015
L'URGENCE ET LA PATIENCE – Jean-Philippe Toussaint - Éditions de Minuit.
Après pas mal de romans publiés et sans doute d'autres seulement écrits, l'auteur éprouve le besoin de faire le point sur son matériau de prédilection, les mots, et la façon de les utiliser, l'écriture. Il dissèque à travers son œuvre personnelle ce phénomène à la fois manuel et intellectuel, entre dans le détail, analyse le processus de création littéraire au regard de ces deux caractéristiques qui peuvent être contradictoires, voire inconciliables ou complémentaires : l'urgence et la patience.
Au milieu, il place l'inspiration comme une grâce extérieure, d'aucuns la qualifieraient de divine, mais l'urgence est là qui la commande et il faut respecter son rythme, ses exigences, sa fragilité aussi. II souligne, avec pertinence, l’importance du travail et aussi de la lecture des autres auteurs (pas n'importe lesquels cependant) mais aussi les lieux qui selon lui sont propices à l'écriture. Pour lui ce sont les hôtels qui ne sont pas forcement des édifices de pierre mais qui peuvent parfaitement être des constructions purement mentales (il parle de « fonctionnalité fictionnelle »). Bref, l’écrivain dans tout cela, dans tout ce chambardement intime, paraît être bien frêle face à la page blanche et à ce bouillonnement d’où sortiront des mots et des chapitres. Si on veut faire la démarche de publier ce qu'on écrit (et c'est bien naturel) il faut aussi faire preuve de patience, mais pas la même, face aux éditeurs. Il ne faut oublier non plus que l'écriture en se laisse pas dominer facilement, la patience est aussi nécessaire dans les périodes incontournables d 'abattement et de dépression.
A titre personnel j'ai toujours été fasciné par le phénomène de création artistique (et spécialement littéraire). D'où cela vient-il ? Pourquoi cela s'applique-t-il à quelqu'un qui en s'y attend pas, qui n'a rien fait pour cela alors que d'autres ont fait des études et des efforts pour écrire et n'y parviennent pas ou mal. J'avoue que je souscris assez à cette conjugaison entre la patience et l'urgence mais j'ai toujours été interpellé par ce moment extraordinaire et fugace qu'est l'inspiration qui se manifeste au hasard, le jour ou la nuit et surtout quand on s'y attend le moins( à la réflexion je n'ai jamais cru que cela avait une dimension divine). Il faut cependant impérativement s'y soumettre faute de perdre définitivement ce qu'elle nous offre. En outre j'ai toujours été frappé par cette sorte d'extériorité qu'on éprouve quand on se soumet à ce processus créatif, qu'on y fait allégeance au point d'abandonner ce qu'on fait pour répondre à cet appel qui peut durer des heures ou quelques secondes. Je l'ai toujours, peut-être à tort, rapproché de ce mot de Rimbaud « Je est un autre ». J'ai souvent ressenti à titre personnel cette impression assez étrange d'être en dehors de tout cela, de tenir le stylo certes, de mettre mon nom en tant qu'auteur, mais de n'avoir avec ce moment excitation et d'exception que nous nommons la création qu'une lointaine parenté.
J'avais déjà lu Jean-Philippe Toussaint comme un écrivain (La Feuille Volante nº 405 « La vérité sur Marie »). Sa démarche d'essayiste est intéressante et enrichit ma réflexion personnelle sur l'écriture.
©Hervé GAUTIER – Mars 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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