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la feuille volante

LA VÉRITÉ SUR MARIE – Jean-Philippe TOUSSAINT

 

 

 

N°405 – Mars 2010

LA VÉRITÉ SUR MARIE – Jean-Philippe TOUSSAINT – Éditions de Minuit .

 

Cela commence plutôt bien «  Plus tard, en repensant aux heures sombres de cette nuit caniculaires, je me suis rendu compte que nous avions fait l'amour au même moment, Marie et moi, mais pas ensemble ». Je me suis dit qu'avec cette première phrase, j'étais en présence d'un écrivain comme je les aime, de ceux qui captent l'attention, de leur lecteur dès le début du roman et qui ne l'abandonnent qu'à la fin, sans que l'ennui se soit installé dans la lecture.

On comprend vite aussi que l'histoire parallèle de ces deux ex-amants (Le narrateur et Marie) qui se retrouvent par hasard dans la touffeur d'une nuit d'été autour d'un mort, va vite devenir passionnante. Ils avaient vécu ensemble de nombreuses années dans ce petit appartement maintenant occupé par Marie puis s'étaient séparés, voici six ans, parce qu'ils en avaient décidé ainsi et ils vivaient une vie sentimentale indépendamment l'un de l'autre. Pourtant, parce que son dernier amant, Jean-Christophe de Ganay, trouve chez elle la mort par crise cardiaque, Marie appelle le narrateur au secours. Ce dernier, malgré la présence d'une autre femme dans son lit cette nuit-là, accourt vers son ancienne maîtresse. Dès lors, les choses reviennent à leur vraie place, celle qui avait été bousculée quelques années avant. C'est, entre eux, la même valse-hésitation entre l'envie, le rejet, la tentative d'étreintes et la volonté de fuite et Marie se remet à «  détester passionnément » le narrateur, comme avant.

Les évocations de cette nuit d'orage ne sont pas sans rappeler les relations tendues qui président à leurs retrouvailles comme elles existaient auparavant et la fuite effrénée d'un cheval, dont est propriétaire Jean Christophe de Ganay, sur le tarmac d'un aéroport ajoute à cette impression un peu délétère. Les éléments se répondent d'ailleurs comme cette nuit parisienne et caniculaire où l'orage couve, celle de l'île d'Elbe partagée jadis par le narrateur et Marie où le feu frappa aussi. La crise cardiaque c'est aussi une forme de foudre et Marie est aussi déroutante qu'un cheval désemparé et perdu, comme l'est le narrateur sans doute quand il s'éloigne de la présence de cette maîtresse de plus en plus incontournable.

 

Il y a aussi la silhouette énigmatique de Jean-Christophe (ou Jean-Baptiste de G.), le dernier amant de Marie, homme d'affaires et propriétaire d'un pur-sang. De cet homme on ne sait rien mais, petit à petit, il se révèle au lecteur. Entre les rares certitudes de la vie de cet homme, le narrateur tente d'en savoir davantage, et ce qu'il ne sait pas, il l'imagine et comble les blancs! Sa mort prématurée et énigmatique épaissit le mystère autour de lui. Pourtant, même si on en apprend un peu sur lui au cours du récit, il n'en reste pas moins un personnage secondaire, presque inexistant au regard des relations qui existent toujours entre le narrateur et Marie, deux éternels amants. Ce qui original aussi dans ces retrouvailles c'est que le narrateur joue alternativement le rôle de l'amant de Marie et celui de l'écrivain,

 

Le titre « La vérité sur Marie » porte en lui-même sa charge de suspens. Son simple énoncé implique qu'on ne sait pas tout d'elle ou que ce que l'on sait est faux. Si j'en juge par la 4° de couverture, ce roman serait « le prolongement » de « Faire l'amour »(2002) et « Fuir » (Prix Médicis 2005). Malheureusement pour moi, j'aborde ici et pour la première fois cet auteur sans avoir lu ses précédents romans.

 

Pour autant, j'ai apprécié le style, évocateur et plein de descriptions poético-érotiques, j'ai aimé ces relations parfois tendues parfois complices et sensuelles des deux personnages qui deviennent petit à petit les uniques protagonistes de ce récit.

 

Quelle est donc, le livre refermé, cette vérité sur Marie? J'y ai lu l'incarnation d'un amour à la fois sensuel et distant, irréel et peut-être impossible qu'elle distille pour un narrateur très épris d'elle. Cela illustre sans doute une des facettes de la conditions humaine, l'éternelle hésitation entre « être et ne pas être », entre amour et désamour.

 

© Hervé GAUTIER – Mars 2010.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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