NUE.
- Par hervegautier
- Le 21/05/2015
- Dans Jean-Philippe TOUSSAINT
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N°910– Mai 2015
NUE. Jean-Philippe Toussaint – Les éditions de Minuit.
Marie est styliste, a de la haute couture une idée très personnelle qui se résume à un concept de robe « sans couture », autant dire une gageure qui se décline sous la forme d'une robe de miel où le corps d'un mannequin entièrement nue est recouvert de miel et suivi par un essaim d’abeilles ! Tel devait être le clou du défilé de mode qu'elle organisait à Tokyo. C'était assurément plus original que la plus extravagante création de Jean-Paul Gaultier ! Cela n’allait pas sans des difficultés de tous ordres mais cela était bien le cadet des soucis de cette femme excentrique dont la spécialité avait déjà défrayé la chronique du métier et bousculer quelque peu les standards de la mode. Pourtant, ce qui promettait d'être un succès tourne au dernier moment au fiasco. L'épisode suivant nous transporte à Paris après que le narrateur et Marie, qui ont été amants pendant deux semaines à l’île d’Elbe où elle possède une maison, viennent de se séparer. Lui qui est éperdument amoureux d’elle, attend désespérément qu'elle l'appelle. Elle le fait au bout de deux mois, jouant sans doute sur son impatience et sur sa solitude mais pour le convier à l'enterrement de Maurizio, le gardien de la maison italienne… Le reste emporte le lecteur dans un tourbillon de souvenirs où Marie, femme d'affaires, créatrice et femme du monde est avant tout imprévisible et traîne derrière elle ce pauvre homme qui voudrait bien reprendre avec elle des relations amoureuses.
Depuis que j'explore l'univers de Jean-Philippe Toussaint, je trouve beaucoup de symboles que je suis pas pour autant capable de déchiffrer, tout au plus se posent-ils en interrogations. Ici, j'y vois plutôt une somme de contraires. Chez Marie, en effet, il y a beaucoup de larmes qui lui viennent facilement mais qui sont tout aussitôt suivies de rires, tout aussi inattendus. Cette antinomie se retrouve dans l'évocation de la vie et de la mort et c'est à propos de l'enterrement de Maurizio qu'elle choisit d'annoncer au narrateur qu'elle est enceinte et pas comme elle l'avait l'avait prévu à l'origine. Paradoxale aussi me paraît être l'attitude de Marie, ses silences qui s'opposent à des intentions de dire, d'annoncer quelque chose d’important mais qui ne débouchent que sur le néant ou en tout cas sur rien d'autre que sur un mutisme que le narrateur lui-même peine à interpréter. Les dialogues échangés entre le narrateur et Marie semblent être menés avec une grande économie de mots, comme si l'essentiel était réduit à quelques paroles suffisantes toutefois pour exprimer sa pensée. Contraste aussi dans l'emploi alterné de l’italien et de français dans certains échanges. Cette différence se retrouve aussi dans l'histoire amoureuse des deux personnages principaux, lui épris d'elle qui semble être étrangère à son attention. Entre eux se succèdent ruptures et reprises d'une liaison qui se voudrait durable mais qui connaît des interruptions imprévues. Il y a aussi les figures qui parsèment ce roman. Marie est évidemment la principale qui fait l'objet de toutes les attentions du narrateur, des évocations de sa vie passée. Elle parle à peine et c'est un long monologue du narrateur qui remplit les pages de ce récit, un peu comme s'il prenait le lecteur à témoin de l'amour qu'il éprouve pour elle et des états d'âme qui sont les siens face à son attitude parfois ambiguë. Il apparaît pourtant comme un personnage légèrement en retrait face à elle, mais d'autres, comme Jean-Christophe de G, juste entr’aperçu et Guiseppe ne sont que des ombres fugitives.
Peut-être suis-passé complètement à côté, mais c'est toujours la même chose avec Toussaint, cette histoire d'amour-désamour qui ne me déplaît pas puisque c'est fort bien écrit, poétique parfois et que cela procure une lecture agréable et facile, mais qui me laisse toujours une sensation bizarre, d’ailleurs assez indéfinissable, d'un récit assez décousu, fait de scènes juxtaposées mais qui finalement est assez entraînant.
C'est le quatrième et dernier volet qui clôt les épisodes de la vie de Marie Madeleine Marguerite de Montalte que l'auteur résume au seul prénom de Marie (Après « Fuir », « La vérité sur Marie » et « Faire l'amour ») .
©Hervé GAUTIER – Mai 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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