la feuille volante

Jérôme Colin

  • Les dragons

    N°1991 – Juillet 2025.

     

    Les dragons - Jérôme Colin – Allary éditions.

     

    Jérôme, 35 ans, homme de radio, éprouve le besoin de faire une pause dans la vie de couple qu’il mène avec Léa depuis dix ans. C’est qu’il a peur de rentrer dans la norme, d’avoir un enfant comme le souhaite sa compagne. Pour exorciser ce mal-être, cette solitude, ses cicatrices d’enfance qui lui pourrissent la vie mais aussi celle des autres, il va écrire son histoire, pour s’en débarrasser peut-être ?

    Il a quinze ans, fils unique, puceau, en décrochage scolaire, en opposition constante avec ses parents qu’il ne supporte pas, il refuse la normalité et les efforts qu’ils font pour lui. Sa vie marginale se déroule ainsi entre avec violence contre son père, la drogue et il se retrouve placé par la justice dans un établissement psychiatrique. On peut légitimement pensé qu’il va s’opposer à ce placement, prononcé contre son gré, dans cet établissement où chacun vit avec son histoire sordide. Lui dont l’obsession était d’ « entrer dans une fille » va croiser Colette, encore plus dévastée que lui et s’attacher à elle. Lui qui estime n’être rien va se révéler à travers elle ainsi qu’à travers les mots puisque, bizarrement, il s’inscrit dans un atelier de thérapie par l’écriture et rejoint la jeune fille dans la lecture. Cela l’aide à combattre les «monstres » qui l’entourent et son imagination débordante tisse une improbable histoire d’amour avec elle, avec l’Italie pour décor et pour guide une pensée de Steinbeck conseillant d’aimer le faible. Lui qui refusait tout se met, dans l‘ombre de cette jeune fille perturbée, à porter attention au discours du psychiatre, à croire qu’un ailleurs est possible avec Colette. Elle lui parle, lui raconte son parcours qui aboutit à l’automutilation pour se punir d’être née, pour continuer à accepter sa vie qui s’inscrit dans un monde qu’elle n’accepte pas, avec la mort en contre-point.

    Le livre refermé, cette triste et émouvante histoire narrée sans fioriture rappelle qu’on a le droit de refuser une vie qu’on n’a pas demandée, surtout si elle est devenue un fardeau et ce malgré la peine infligée à ceux qui restent, que la religion, ses rituels et ces oiseux discours sur la vie après la mort ne sert à rien et même entretient des illusions malsaines, que ceux qu’on a mis à part, invisibles, anormaux, méritent qu’on ne les rejette pas. Ce cheminent effectué sur une citation de de Philip Roth reproduite en exergue et qui rythme ce roman est long, douloureux parce que les mots pour le réaliser tardent à sortir. Nous le savons, le livre est aussi un univers douloureux, écrire est une souffrance, un témoignage mais aussi l’expression d’une solitude, d’un désespoir face à cette compétition constant et le culte de la réussite, de l’argent, du paraître.

    L’épilogue a des accents de « happy end » qui concluent généralement les romans, un retour à une vie familiale normale, heureuse, une de ces nombreuses parenthèses qui bouleversent une vie de couple.

    J’aimerais, à titre personnel, que l’écriture soit vraiment une libération, qu’elle aide à se guérir d’une enfance faite d’incompréhensions et de rejets et qui génère souvent dans l’âge adulte les mêmes circonstances douloureuses qu’on a connues aurapavant. On refait pourtant et même malgré soi l’exemple qu’on voulait éviter, comme si une sorte de destin malsain pesait sur nos épaules. Puisque les citations ont émaillé ce roman, j’en ajouterai une de Mac Aurèle qui n’y figure pas « Habitue-toi à tout ce qui te décourage ».

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