Mes fragiles
- Par hervegautier
- Le 29/11/2024
- Dans Jérôme GARCIN
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N°1945– Novembre 2024.
Mes fragiles – Jérôme GARCIN – Gallimard.
Je retrouve ici avec plaisir un auteur dont je suis depuis de nombreuses années le parcours créatif. Comme toujours j’ai apprécié le style à la fois clair et plein de sensibilité. J’y ai lu la solitude de l’homme devant la mort qui n’a pas épargné sa famille, son impuissance face à la progression inexorable de la maladie, sa résilience devant la souffrance, sa révolte face à la génétique qui a handicapé son frère Laurent, la mémoire de ces moments de bonheur enfuis, la légèreté des mots face à tout ce qui fait notre condition humaine avec ses vains efforts, le poids du destin et les injustices de cette vie qui est avant tout fragile.
Ici , il est entre autre, question de génétique, où se transmettent de génération en génération des chromosomes responsables de maladies, de retard mental, un mal sournois, invisible souvent sans traitement et que les parents, sans le savoir, donnent à leurs enfants avec la vie. Celui-là a nom « X fragile » dont est atteint Laurent et que l’auteur a, malgré lui, a transmis à ses enfants, avec toute l’impuissance devant l’adversité et la culpabilité que cela implique.
On a beau dire que la mort fait partie de la vie, qu’elle est inévitable parce que la condition humaine s’impose à chacun de nous, quand elle emporte des êtres chers avec une telle brutalité, elle devient révoltante et inadmissible dans sa cruauté, et ceux qui survivent portent ce fardeau qui chaque jour s’alourdit. On peut se réfugier dans la foi religieuse qui peut être une consolation, mais il n’est pas illogique de douter ainsi de la bonté tant proclamée d’un Dieu devenu soudain bien absent ou plus prosaïquement de dénoncer l’acharnement d’un sort aveugle. Les dogmes et les rituels religieux ne pèsent rien face à la réalité de la mort et c’est un peu comme si la camarde prenait plaisir à vous serrer de près à travers le chapelet de ceux que vous aimez et dont elle a interrompu le souffle parfois brutalement, ne serait-ce que pour vous rappeler que la vie est fragile que vous serez sa prochaine victime, surtout quand vous vous y attendrez le moins ou qu’au contraire elle vous épargne temporairement pour vous laisser profiter du meilleur de cette vie et pour mieux vous le faire regretter. On peut, certes, compter sur le soutien de proches mais ce genre de situation nous révèle souvent l’indifférence, voire la gène ou l’oubli de ceux qu’on croyait ses amis. L’art, la création, sont des armes mais personnellement je doute de l’effet cathartique de l’écriture même si l’auteur nous livre avec sincérité toute sa souffrance et sans doute sa volonté d’aider ses lecteurs ainsi frappés. La résilience existe mais la douleur, loin de s’apaiser avec le temps, s’installe à en devenir banale.
Jérôme Garcin choisit donc de s’adresser au premier lecteur venu pour confier au papier un combat intime parce que la douleur dont il parle est universelle.
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