Eva, une aventure de Lorenzo Falco
- Par hervegautier
- Le 03/11/2019
- Dans Arturo PEREZ-REVERTE
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La Feuille Volante n° 1407– Novembre 2019.
Eva - Une aventure de Lorenzo Falcó - Arturo Perez-Reverte - Seuil.
Traduit de l'espagnol par Gabriel Iaculli.
Je remercie Babelio et les éditions Seuil de m’avoir fait découvrir ce roman.
Lorenzo Falcó est un ancien trafiquant d'armes reconverti en agent secret de la République espagnole et travaillant maintenant pour Franco. Autant dire que seul l'argent compte pour lui et que ce ne sont pas les scrupules qui l'étouffent. Il correspond à l’image traditionnelle de l'espion de cette époque, dans la force de l'âge, costume bien taillé, chapeau, trench-coat, browning, alcool, cigarettes, faux passeports et évidemment des femmes, mariées ou non, belles, désirables et consentantes qu'il n'apprécie que dans son lit, image d’Épinal, pas vraiment dans l'air du temps. Son rôle est clair, s'assurer d'un cargo républicain, le Mount Castle, transportant l'or de la banque d'Espagne à destination de la Russie afin qu'il échappe aux nationalistes en cas de victoire. Le bâtiment est réfugié dans le port de Tanger et les franquistes entendent bien s'approprier sa cargaison pour financer la guerre civile. Il est bien entendu surveillé par deux destroyers espagnols des deux camps et fait l'objet de nombreuses tractations internationales. Bien sûr cette mission n'est pas sans risques et elle est émaillée de pas mal de luttes sanglantes, de rebondissements et de cadavres. La ville est un nid d'espions et d'assassins et l'argent achète tout, même peut-être le capitaine du navire républicain résolu à faire son devoir face à un autre capitaine, nationaliste celui-là, tout aussi déterminé à l'envoyer par le fond dans les eaux internationales s'il résiste à l’arraisonnement. Il y a de belles femmes avec parfois leur lot d'érotisme, de vieux loups de mer à la peau tannée, des tapis verts, des tueurs à gage, des nuits blanches, des cigarettes américaines, de l'excellent whisky, du kif, des exaltés qui voient dans cette guerre civile une occasion de vivre leur passion de tueurs ou leurs illusions politiques, des bagarres de bouges, des putes, des inconnus qui changent de noms, des aventuriers qu'aucune trahison n'arrête, des exécutions sommaires que les circonstances exigent... Mais le plus gênant pour Falcó c'est que Eva Neretva , une Russe communiste à qui il a naguère sauvé la vie et qui lui a rendu la pareille et qui est à bord du Mount Castle. Cela va évidemment compliquer sa tâche d'autant que chacun des deux capitaines, celui du cargo républicain et celui du destroyer nationaliste, sont déterminés à faire leur devoir. Eva n'est pas vraiment son genre de femme, certes il l'a aimée et continue de la désirer, mais elle reste pour lui une énigme, quelqu'un qu'on ne peut manipuler ni acheter. Animée par la foi communiste, c'est une idéaliste, pleine d'illusions sur Staline et son régime dictatorial et capable de se sacrifier elle-même, ou de tuer Falcó si on lui en donne l'ordre. Lui, au contraire, est imperméable à tout engagement idéologique, véritable mercenaire travaillant pour le plus offrant. Il y a donc entre entre eux un jeu macabre, une sorte de danse entre Eros et Thanatos!
Le roman se lit bien et même rapidement, est agréablement écrit avec de belles descriptions parfois pleine de sensibilité et de belles nuances, avec beaucoup de réalisme dans le récit des affrontements, entre coups de feu et de couteau, ce qui rend cet ouvrage passionnant jusqu'à la fin. Le suspens est au rendez-vous dans le décor de cette ville neutre, cosmopolite et mystérieuses où chacun est à la solde d'un autre, voire de plusieurs, où la survie d'un espion est gravement menacée à chaque instant et où la vie de chacun ne tient qu'à un fil, avec en toile de fond ce cargo et sa cargaison d'or, les protagonistes de cette histoire, entre obéissance aux ordres et réalisme. Je n'attendais pas Perez-Reverte dans ce registre par rapport à ce que j'ai déjà lu de lui. J'avoue que je suis un peu partagé à propos du personnage de Falcó que je trouve un peu trop caricatural et ses aventures un peu trop conventionnelles dans le cadre de ce genre de roman auquel il est vrai je suis assez peu habitué. Il a peut-être de beaux yeux gris, les cheveux brillantinés et un charme ravageur de beau gosse, je le trouve quand même un peu trop "donnaiollo" comme disent nos amis Italiens, mais ce fut quand même un bon moment de lecture.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
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