la feuille volante

LE PROFESSEUR DE SCÉNARIO – Luc Dellisse

 

 

 

N°404 – Mars 2010

LE PROFESSEUR DE SCÉNARIO – Luc Dellisse – Impressions nouvelles .

 

Ce doit être un roman autobiographique puisque le personnage principal porte le même nom que l'auteur. Comme lui il est professeur de cinéma, mais à Genève, pas à la Sorbonne (peu importe). Tout au long du récit, il nous parle (à la première personne) des problèmes d'un enseignant, de ces demi-couloirs, de l'intendance, de la photocopieuse, des crédits, des réunions, des relations avec ses collègues, des prises de pouvoir à l'intérieur du microcosme professionnel, du charme et de la beauté de ses étudiantes... Pas vraiment passionnant! Le milieu universitaire est feutré et clos, comme il se doit et le décor de la ville est tranquille comme le sont généralement les cités de la Confédération Helvétique. Tout cela menace d'être ennuyeux et finit bien par l'être, sauf peut-être quand il instille une énigme policière avec un suicide présenté comme un acte de contrition pour un assassinat et peut-être une malversation perpétrés par un de ses collègues. Quand il aborde ses amours, c'est un peu plus original, pas vraiment intéressant quand même, parfois un peu érotique, mais chacun son parcours, ses conquêtes féminines, ses fantasmes!

 

Pour le reste c'est une succession de scènes existentielles sans grand intérêt, un itinéraire quotidien dans un univers un peu clos d'une ville suisse où l'auteur se voit nommé à cause d'une thèse sur Guitry. Il porte sur le monde qui l'entoure un regard sans complaisance comme si l'auteur voulait brouiller les pistes, égarer son lecteur au nom de la fiction, sûrement pas pour s'en moquer, mais sans doute pour créer un univers dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à entrer. A-t-il voulu régler quelques comptes? A-t-il voulu poser des questions sur la fonction d'écrivain par rapport à celle de scénariste, sur la portée littéraire du scénario? A-t-il souhaité analyser le principe de liberté de création au regard des contraintes existantes et parfois inévitables? Si c'est le cas, cette réflexion, voire cette remise en question ne peut que nourrir efficacement sa démarche créatrice et son activité d'écrivain est sans doute complémentaire de celle d'enseignant de scénarios qui sont aussi des fictions. Voit-il, comme le dit la 4° de couverture, le scénario, non comme la seule écriture d'un film, mais comme l'art de diriger sa vie? C'est sans doute une philosophie de vie qui en vaut bien une autre et il n'a peut-être pas tort de voir ainsi « les choses de la vie », mais pourtant il m'a semblé que les références avec le cinéma sont ici plutôt ténues. Tout au long du roman, il file une sorte de métaphore, en forme de partie d'échecs en plein air, comme à contre-jour. A la fin, il en donne en quelque sorte la clé «  Mon scénario aussi était un jeu d'échecs ». C'était assurément une autobiographie, sans grande complaisance cependant puisqu'il avoue n'avoir pas donné de son héros une image « exagérément positive », fasciné par le sexe et ayant des rapports ambigus avec l'argent ce qui « jette le doute sur son honorabilité ». Il précise que « dissimuler la moindre bribe de vérité pour ne pas ternir son image équivaudrait à renoncer à écrire », ce qui est une marque de sincérité.

 

C'est vrai que je me suis un peu forcé pour mener ma lecture à terme, par curiosité sans doute, en me demandant si je finirai par être étonné. Il est bien parfois question de copie égarées, de portefeuille volé, mais tout cela se retrouve à la fin. Autant d'énigmes qui n'en sont pas vraiment!

 

Il semble que ce soit une suite, le troisième volet d'une autobiographie imaginaire ( « l'invention du scénario », « L'atelier du scénariste ») et je suis pourtant volontiers attentif à sa démarche quand il déclare « Je suis absent en chair et en os des moindres circonstances romanesques de ce livre... ainsi ai-je pu l'écrire en toute objectivité ». Je suis en effet toujours aussi curieux des relations privilégiées qui existent entre un auteur et ses personnages.

 

Même si j'ai eu un peu de mal à entrer dans cet univers romanesque (ce scénario?), le style et peut-être lui seul, a soutenu mon effort. Le texte est bien écrit, agréablement poétique par moment, avec un certain humour, une ironie bienvenue, un sens de la formule même et agréable à lire.

 

© Hervé GAUTIER – Mars 2010.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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