la forza del destino
- Par hervegautier
- Le 16/05/2021
- Dans Marco Vichi
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N° 1543 – Mai 2021
La forza del destino (La force du destin) – Marco Vichi -TEA (Milan)
Nous sommes au printemps 1967 et la ville de Florence se remet doucement des grandes inondations de l’hiver précédent. Franco Bordelli en revanche a du mal à refaire surface après sa dernière enquête qu’il a mal vécue et surtout après le meurtre de Giacomo, un jeune garçon sans défense et le viol de Eleonora, cette jeune vendeuse avec qui il avait noué une relation passionnée. Elle a disparu sans laisser de traces et le commissaire, désabusé, a quitté la police et la ville à l’étonnement général pour se retirer dans une maison dans la campagne toscane, silencieuse et isolée. Certes il s’invente une nouvelle vie de jardinier, de cuisinier, de promeneur, mais cela l’invite à un retour sur lui-même, à une réflexion sur le monde qui l’entoure mais cela ressemble aussi à une petite mort d’autant que le jeune retraité qu’il est désormais pense toujours à Eleonora. Il reste pour son collègue Piras une référence ( il l’appelle toujours « commissaire ») et une source de conseils pour ses enquêtes. Avec lui il peut parler du père de ce dernier et évoquer ses souvenirs de guerre qui restent pour Franco une sorte d’obsession, peut-être simplement parce qu’ils lui rappellent sa jeunesse et ses illusions ? Il a décidé de changer de vie mais celle-ci ne lui ressemble pas vraiment et il reste un policier animé d’un idéal de justice et quand sa voisine, la comtesse Gori Roversi lui demande de lever ses interrogations sur le suicide douteux de son fils unique Orlando, survenu quelques années auparavant, il n’hésite pas et son âme d’enquêteur reprend le dessus, désireux de ne pas laisser un crime impuni. C’est un peu le destin qui frappe à nouveau à sa porte. Il va avoir cinquante sept ans mais, même si son travail lui manque et malgré les marques d’attachement de ses amis qui ne sont pas seulement policiers, il sent sur ses épaules la force de destin et sans doute aussi un peu la mort qui le guette. Son enquête sur le meurtre et le viol laissée en suspens l’obsède et, même s’il n’est plus policier, il fera tout pour que ces crimes ne restent pas impunis. La chance l’y aidera et il verra la force de destin auquel nul ne peut échapper. Il est, en effet, révolté par l’espèce humaine capable du meilleur mais bien souvent du pire. Ce titre fait référence à Verdi et Bordelli s’inscrit dans cette recherche, dans cette interrogation qui est celle de tout homme vivant sur cette terre.
Il a beau se sentir vieux et voir dans sa vie une page se tourner, il reste quad même attentif aux plaisirs de la table, aux volutes bleues des cigarettes, à la saveur de la grappa et bien sûr à la beauté des femmes dont il tombe facilement amoureux et il prend toujours plaisir à être en leur compagnie. Auparavant il ne croyait pas au destin mais cette enquête va l’amener à s’interroger sur un passé avec lequel il avait jusqu’à présent du mal à vivre, avec ces crimes impunis et cette réflexion va être pour lui une motivation. Il mesure le chemin parcouru, réfléchit sur ses choix antérieurs et voit dans tout son parcours une sorte de fatalité qui l’a mené là où il est malgré ses rêves de jeunesse… un peu comme tout le monde en réalité ! C’est un homme mélancolique et surtout solitaire qui égrène ses souvenirs et songe à la mort qu’il a longtemps côtoyée dans son métier. Il envisage de plus en plus la sienne, à cause des années qui s’accumulent mais aussi comme un signe du destin.
Malgré quelques longueurs, c’est un roman qui invite à la réflexion sur le sens de la vie, plus qu’un traditionnel « giallo » (roman policier), comme disent nos amis italiens, mais qui nous tient quand même en haleine jusqu’à la fin.
Après « Morte a Firenze »(Mort à Florence) dont ce roman est en quelque sorte la suite, on retrouve un Bordelli mélancolique et aigri par la vie, solitaire, qui se pose des questions sur son destin mais dont les états d’âme trouvent malgré tout , à la fin, un épilogue heureux. C’est un roman sombre, facile à lire, mais j’ai quand même noté avec plaisir des passages poétiques bienvenus et des références culinaires appréciées.
Roman lu dans le texte italien et parfois à haute voix pour mieux apprécier la musicalité de cette langue , mais toujours non traduit en français, à tout le moins à ma connaissance.
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