L'ANNONCE - Marie-Hélène LAFON
- Par hervegautier
- Le 16/08/2013
- Dans Marie-Hélène Lafon
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N°674– Août 2013. L'ANNONCE - Marie-Hélène LAFON – Éditions Buchet-Chastel. Ce roman raconte une histoire d'amour entre Paul, un paysan du Cantal de quarante-six ans et Annette, la mère de trente-sept ans du petit Éric, onze ans, qui elle vit dans le Nord. Cette rencontre a été provoquée par une petite annonce de Paul à qui la solitude du célibat pesait. Annette y a répondu après avoir quitté son mari, Didier, alcoolique et souvent pensionnaire de la maison d'arrêt, le père de son enfant, parce que la vie avec lui était devenue impossible. Elle n'a aucun métier en dehors de l'usine et de la caisse des grandes surfaces et voit là une opportunité de tout recommencer, loin de chez elle, de ses racines. Ils se sont rencontrés à Nevers, au buffet de la gare parce que c'était à mi-chemin. Pour eux, c'était toute une expédition, nécessaire cependant pour un premier contact après les photos et les communications téléphoniques. Leur vie antérieure a été d'une grande banalité, à la ferme comme à la ville et chacun souhaite que cette « union » soit bénéfique pour tous. Ils sont venus à ce rendez-vous avec leurs vieilles plaies, sans les montrer cependant, pour ne pas apeurer l'autre. Ils ont en commun des cicatrices mal refermées et des espoirs un peu fous pour cet avenir encore un peu incertain à cause de la crainte de l'inconnu. Cette rencontre sera suivie d'une autre où on fera plus ample connaissance, on s'apprivoisera et on apprendra à mieux se connaître, à s'accepter... Paul, cet homme rude l'a prenait elle et son fils et parlait d' emménagements dans la ferme pour mieux accueillir sa nouvelle famille . Un telle situation est toujours une remise en question profonde des gens qui la vivent. Éric qui sans doute ne peut qu'en être bénéficiaire, se tait, observe, cherche à s'adapter, en silence. On a déjà prévu sa scolarisation au collège, son intégration dans le voisinage des autres fermes. Paul qui ne souhaite pas avoir un enfant avec Annette pense peut-être accueillir ce garçon, en faire peut-être son héritier si cela est possible. La mère d'Annette vient lui faire une visite ponctuelle ne serait-ce que pour se rendre compte des conséquences du choix de sa fille. Il y a aussi la parentèle de Paul, ses oncles, propriétaires fonciers restés célibataires, sa sœur, Nicole, plus jeune de dix-huit mois, elle aussi célibataire et sans enfant. Ils voient d'un mauvais œil que Paul qui a été malheureux en amour et souhaite forcer un peu le destin ait introduit dans leur clan et sans leur demander leur avis cette femme qui ne sera toujours qu'une intruse. Annette est évidemment attendue au tournant, se sait observée, passe chaque jour son examen sous le regard amusé, critique et parfois méchant des autres de qui, elle le sait, elle ne recevra aucune aide ni aucun conseil. Paul de son côté fait tout pour lui faciliter la vie, notamment dans le domaine ménager puisque avant, dans le Nord, elle avait le confort. C'est vrai que ces nouveaux arrivants apportent du sang neuf dans cette fratrie engoncée dans des traditions et des habitudes, un peu de jeunesse aussi qui serait capable, l'air de rien de creuser son sillon, de bousculer un peu les choses, sans les brusquer cependant. Annette et Éric surent se faire accepter même si ce ne fut pas sans peine, l'enfant, malgré son nom polonais, par sa discrétion, son application scolaire, l'amour qu'il portait aux bêtes, les vaches et surtout la chienne Lola, la mère par son travail, son sens de l'économie, sa présence. Le roman reste un peu en suspens. On ne sait pas si cette union se terminera par un mariage entre Paul et Annette mais peu importe mais il ne coûte rien au lecteur d'imaginer une fin heureuse à cette tentative. Au-delà de l'histoire, je retiens aussi une galerie de portraits bien campés tel celui de Mimi Caté, par exemple, cette maîtresse-femme qui ne laissait personne indifférent, mais aussi des scènes de la vie à la campagne auvergnate, la longue évocation des gens et des corps spécialement celui de Paul, de ses mains de travailleur en particulier. Dans un précédent numéro (La Feuille Volante n°671), j'ai dit combien le style haché et minimaliste de l'auteure me déplaisait. Je ne l'ai pas retrouvé ici et, bien au contraire, j'ai apprécié sa fluidité, la poésie qui coule des mots et aussi l'humour parfois acerbe mais bien senti et subtil qui accompagne l'évocation d'un personnage ou d'une situation. J'ai aussi aimé un grand réalisme dans l'analyse des circonstances, celle de cette femme qui a tout quitté pour suivre un inconnu simplement parce qu'il est agriculteur et qu'elle pense que c 'est un vrai métier, celle de cet homme qui veut tout faire pour que cette tentative leur soit favorable, même s'il doit pour cela bousculer un peu sa propre famille. J'ai aimé les subtiles nuances dans les descriptions, dans les évocations en demi-teinte. Cela témoigne d'un réel amour des mots auquel le lecteur attentif et de plus en plus passionné ne peut être indifférent. Cela a été pour moi un plaisir de lire ce roman, une histoire certes simple et même banale mais qui, sous la plume de Marie-Hélène Lafon a été réellement captivante jusqu'à la fin. Hervé GAUTIER - Août 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com |
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