LA TÊTE EN FRICHE - Marie-Sabine Roger
- Par hervegautier
- Le 25/07/2010
- Dans Marie-Sabine ROGER
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N°439– Juillet 2010 LA TÊTE EN FRICHE – Marie-Sabine Roger. Éditions La Brune Qu'est ce qui m'a accroché d'emblée dans ce livre, le ton peut-être? Il n'est pourtant pas littéraire et même volontiers gouailleur. L'histoire peut-être, celle de Germain Chazes, 45 ans, pas vraiment attachant au début, un géant inculte voué aux petits boulots de manutentionnaire qui vit dans une caravane au fond du jardin de sa mère et s'amuse à compter les pigeons ou à écrire son nom sur le monument aux morts, à parler de Dieu comme si c'était un copain... C'est un poivrot qui raconte les épisodes de sa vie à ses copains de zinc qui se moquent de lui, ne comprend pas toujours tout, un mal aimé comme il y en a tant, abandonné par son père, délaissé par sa mère... C'est aussi celle de Margueritte (avec deux t) Escoffier, cette petite vieille de 85 ans, pensionnaire de la maison de retraite des « Peupliers », cultivée, discrète, qui n'aime ni le scrabble ni les lotos, qui préfère rester assise sur un banc dans un jardin public et qui passe son temps à nourrir les oiseaux, à les compter, elle aussi! C'est peut-être la seule chose qu'ils aient en commun, alors ils se rencontrent, ils parlent, se découvrent l'un l'autre une sorte de complicité. Ainsi ce Germain, qui est aussi le narrateur, apprend, grâce à elle, des choses qui, dans sa vie lui étaient complètement étrangères jusqu'ici, le sens des mots, leur nouveauté, leur beauté[« Les mots, ce sont des boites de conserve qui servent à ranger les pensées, pour mieux les présenter aux autres et leur faire l'article. »]... Lui qui n'avait été qu'un aimable cancre presque illettré, que tous ses copains prennent pour un imbécile, c'est cette vieille dame qui va réussir à lui faire prendre goût à la connaissance [ « apprendre à réfléchir, ça revient à donner des lunettes à un myope »] aux livres par la lecture à haute voix, qui va meubler sa « tête en friche » au point de lui faire changer son vocabulaire. Il va découvrir Albert Camus, Romain Gary, Sepulveda et le dictionnaire qu'elle va lui offrir parce que lui-même lui avait fait cadeau d'un petit chat sculpté dans un morceau de bois. Il ne baisera plus Annette, sa copine, mais lui fera l'amour... c'est quand même autre chose! Margueritte va devenir sa vraie grand-mère, non seulement en l'intéressant aux mots et aux livres qu'il ne comprend pas toujours bien mais parce que elle s'installe dans sa vie à en devenir omniprésente et même indispensable[« Margueritte, elle prenait de la place, même sans être là »]. C'est l'histoire d'une rencontre improbable, d'une amitié entre deux êtres qui n'avaient aucune chance de se croiser, d'un échange, d'un apprentissage, d'une invitation au respect de soi et des autres[« Vous êtes quelqu'un de très bien, Germain »lui dit Margueritte], d'une tendresse réciproque, de l'acceptation de la vieillesse, de la maladie, de la mort qui font partie de la condition humaine, d'une révélation aussi, celle de cet homme mal dégrossi, un peu cabossé par la vie, que cette vielle dame, qui l'appelle « Monsieur » au début, va petit à petit amener à se découvrir lui-même, à bouleverser sa propre vie, à lui donner un sens. C'est une histoire pleine d'émotion [« Un jour, en comptant les pigeons, on tombe par coïncidence sur une grand-mère vacante et on finit avec la peste, les Jivaro et ce pauvre monsieur Gary qui pleure encore sur sa mère »] . C'est que ce Germain, même s'il parle mal, a des remarques pertinentes et pas si naïves que cela qui parviennent parfois à convaincre Margueritte par son bon sens. [« Cette fille, elle me rend dingue... c'est pire qu'un aimant. Aimant, ça doit venir du verbe aimer peut-être? »] J'ai goûté la poésie qui se dégage de ces dialogues à la fois simples et authentiques parce que sincères, simplement.[« Margueritte... sa vie, elle doit avoir un goût de confiture...La mienne , elle a un goût de gerbe, et je vous parle pas des fleurs »]. C'est un roman vraiment surprenant, c'est sans doute pour cela qu'il m'a beaucoup plu. Allez savoir! Hervé GAUTIER – Juillet 2010.http://hervegautier.e-monsite.com |
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