désir pour désir
- Par hervegautier
- Le 10/04/2022
- Dans Mathias Enard
- 0 commentaire
N°1636 – Avril 2022
Désir pour désir – Mathias Enard -Babel
Nous sommes à Venise, au XVIII° au moment du carnaval c’est à dire à une période hivernale de l’année où la vie se déroule dans les plaisirs, les fastes d’une cité commerciale prospère. Nous La découvrons à travers les yeux du Maestro, un maître-graveur renommé, un vénitien qui aime la vie. « La Sérénissime » est une cité exceptionnelle entre le ciel et l’eau est aussi une métropole de la poésie, de la peinture, de la musique, une étape incontournable du « Grand Tour », très en vogue à cette époque dans l’aristocratie du vieux continent. C’est le symbole de la fête et du luxe, les femmes sont belles, les masques autorisent toutes les folies et toutes les intrigues, la musique et le chant sont partout, dans les palais comme dans les églises ou les monastères, les dîners sont somptueux et le vice y combat la vertu dans les vapeurs d’encens et le velouté du vin. Il y a aussi les personnages du théâtre italien, les quartiers populaires, les gondoles, les rumeurs et les reflets de l’eau, les ruelles sombres, le brouillard du Grand Canal, le petit peuple. Ce décor cache comme il peut l’autre face de « la Dominante » comme on l’appelle aussi, avec la dague, le poison, les bordels, les maisons de jeu, la délation, les complots, la justice, gardienne de l’ordre moral, la redoutée prison des « Plombs »...
Une autre facette plus intime nous est offerte, celle qui évoque trois personnages. Amerigo, le violoncelliste aveugle qui accompagne Camilla, cette jeune fille à la voix d’or, joueuse de viole d’amour. Une relation sensuelle mais fraternelle et platonique s’établit entre eux à travers la musique et les instruments à cordes qu’ils font ensemble vibrer. Face à Antonio , le jeune apprenti graveur qui croise le regard de Camilla et en tombe immédiatement amoureux, il sait qu’il doit disparaître parce qu’il n’a plus sa place auprès d’elle.
J’ai toujours plaisir à lire Mathias Enard dont j’apprécie à la fois le style simple, délicat, poétique, l’ impressionnante érudition, la précision de son vocabulaire, la faculté qu’il a de transporter son lecteur dans son univers, le temps d’un roman. Ce court récit tisse à petites touches un dépaysement spatio-temporel raffiné glané au fil des canaux, des ruelles, des palais de la Cité des Doges.
Ajouter un commentaire