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la feuille volante

La faiseuse d'étoiles

N°1826 – Janvier 2024.

 

La faiseuse d’étoiles - Mélissa Da Costa – Le livre de poche.

 

Antoine de Saint-Exupéry écrit quelque part dans son œuvre « Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants, mais peu d'entre elles s'en souviennent ». C’est un peu cette pensée qui m’a accompagné pendant la lecture de cette longue nouvelle offerte par l’auteure à l’Unicef pour soutenir son action. Le livre refermé, je suis encore partagé entre la parenthèse de l’enfance avec sa magie, ses merveilles et la réalité de la vie avec ses rythmes inévitables, incontournables.

Le sujet est à la fois simple et complexe. Au moment où il va devenir père, Arthur choisit de remonter quelques années en arrière. Il a 5 ans et pour lui cacher sa maladie de sa mère, celle-ci lui fait croire que bientôt elle partira dans la planète glacée d’Uranus et son décor irréel, et quand elle y sera, elle lui enverra des signes et des lettres pleines de magie, elle sera pour lui « une faiseuse d’étoiles ». Arthur marche à fond dans cette histoire. Il est un peu « le Petit Prince » de St Ex à l’envers, qui entend parler d’une planète qui n’est pas la sienne mais où sa mère va habiter, ce qui est à la fois une façon de jouer sur son innocence et pour elle une manière d’adoucir ses souffrances. Avec ce mensonge bien naïf entretenu par sa famille, il ne voit rien de son mal ni de l’issue fatale de cette situation. On a bien sûr un peu de mal à y croire, à cause de ce qu’il peut entendre dans son école ou dans son entourage, mais pour lui Uranus c’est un peu l’image laïque du paradis, un pays où la mort n’existe pas, un peu comme le disait Peguy « La mort n’est rien, je suis simplement passé dans la pièce à côté ». Forcément tout ce décor finit par s’effondrer avec les doutes d’Arthur, son entrée dans « l’âge de raison » et il prend conscience brutalement de la réalité avec toute la révolte qu’on imagine. Devenu adulte, on le retrouve à l’hôpital pour soutenir l’accouchement de son épouse mais il s’interdit cette affabulation pour sa fille qui va naître, un peu comme s’il refusait pour elle et en bloc l’enchantement de l’enfance. En même temps, après toutes ces années, c’est un peu comme si cette naissance allait réparer enfin la perte de sa mère, une vie contre une autre en quelque sorte, une façon de lui rendre hommage à travers le prénom qu’il va donner à son bébé.

 

Tout d’abord j’y ai vu un conte pour enfant avec son décor merveilleux et poétique qu’aiment à tisser et à entretenir ses parents puis, au fil des pages, s’est insinué quelque chose de pathétique parce que la vie c’est une réalité brute, c’est à dire autre chose qu’une jolie fable et personne ne peut y échapper. Pourtant les lettres écrites par sa mère avant de disparaître devaient accompagner son fils jusqu’à son baccalauréat ce qui était carrément du domaine de l’impossible. Ce que je retiens aussi c’est le pouvoir des mots, celui qui, parfois, sert à conjurer la réalité, à l’adoucir, à l’accepter.

 
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