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la feuille volante

Le mystère de l'île au Cochons

N°1856 – Avril 2024.

 

Le mystère de l’île aux Cochons- Michel Izard – Paulsen.

 

Le titre suggère un roman policier et pourtant il n’en est rien et une énigme demeure... Ce petit coin de France au nom étrange, perdu au milieu de l’océan indien qui se décline en un chapelets d’îles désolées, inhospitalières et glacées, sans habitants permanents autres que des scientifiques en transit et des milliers de manchots royaux qui posent problème. On a constaté que cette communauté animale, jadis la plus importante au monde, avait perdu plus de 90 % de sa population. Telle est l’objet de cette expédition scientifique de cinq jours en terres australes dans des conditions spartiates, de ces investigations d‘une poignée de scientifiques. En sa qualité de grand reporter, Michel Izard, accompagné de Bertrand Lachat cameraman, couvrira l’évènement.

C’est un compte rendu de voyage, entrecoupé d’extraits de journaux de bord et de récits d’autres navigateurs historiques ou anonymes, marins cartographes et découvreurs, amoureux des voyages au long cours ou cupides chasseurs de baleines ou d’éléphants de mer, qui ont exploré ces contrées désolées et y ont parfois fait naufrage. On ne peut pas ne pas évoquer Baudelaire « Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent pour partir, cœurs légers semblables aux ballons, de leur fatalité jamais ils ne s’écartent, et sans savoir pourquoi, ils disent toujours Allons ! » Ce voyage est raconté par le menu, rencontres et découvertes improbables, compte rendu de séjour, d’explorations et de prélèvements, avec heureusement des cartes et des photos pour permettre au lecteur de s’y retrouver dans ces terres australes.

Le livre se savoure non seulement à cause des descriptions précises, des images, avec un grand souci du détail et de précisions techniques, poétiques parfois, mais aussi de sa riche documentation historique et des témoignages de journaux de bord des navigateurs qui tissent l’histoire pourtant maigre de ces lieux où l’homme est absent et presque intrus. C’est que ces îles du Grand Sud fascinent par leur nom nom même qui évoque les 40° rugissants, les écueils, les tempêtes, les paysages solitaires, juste peuplés d’une faune sauvage, d’une maigre flore, de paysages volcaniques et dépouillés. Avec lui on voyage dans l’espace et dans le temps et on ne peut pas ne pas évoquer Baudelaire, à cause sans doute de l’albatros mythique mais aussi tout simplement le voyage lui-même qui transforme un être banal en marin, le temps d’une campagne de pêche ou d’un périple au long cours, à la suite d’Alvaro Mutis ou de Bernard Giraudeau. Le dépaysement est assuré, même si cette île n’encourage pas vraiment le tourisme mais ces paysages répondent souvent à un rêve de gosse « Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes, l’univers n’a d’égal que son vaste appétit ». Quand il quitte l’île Michel Izard a une drôle d’impression, celle de l’abandonner ou pire peut-être d’y abandonner quelque chose de lui-même tant la magie du lieu, ajouté au mystère qui entoure ces côtes désolées continue d’exercer son étrange pouvoir.

 

Je ne suis qu’un modeste téléspectateur de TF1 mais j’apprécie toujours les reportages de Michel Izard. C’est d’abord une voix, à la fois posée et économe en mots mais pas en émotions et les chroniques qu’il nous propose n’ont rien à voir avec la façon journalistique traditionnelle de ses confrères. Avec lui, même si le sujet est banal, et il l’est rarement, le spectateur entre à sa suite dans un monde différent, poétique et parfois un peu mystérieux qui se révèle au fil des mots et des images, avec cette envie de nous faire voir les choses sous un jour différent et qui outrepasse la réalité du quotidien. C’est toujours un plaisir que je partage avec lui, une émotion qui sans cela n’eut jamais été ressentie ni même révélée.

 

 

 

 
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