La disparition de Joseh Mengele
- Par hervegautier
- Le 06/01/2018
- Dans Olivier Guez
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La Feuille Volante n° 1201
La disparition de Josef Mengele – Olivier Guez – Bernard Grasset. Prix Renaudot 2017.
J'ai lu cette biographie à peine romancée de Josef Mengele avec une certaine curiosité. Certes, je connaissais comme tout le monde l'existence de ce médecin SS d'Auschwitz qui, à la descente des wagons, sélectionnait en sifflant ceux qui étaient destinés à la chambre à gaz et avait mené sans le moindre état d'âme des expériences sur ses victimes, mais j'ai découvert une autre facette des choses grâce à ce livre.
C'était un garçon né au début du XX° siècle qui avait reçu une bonne éducation, issu d'une famille bourgeoise, aîné de trois garçons. Il fut un élève studieux passionné de musique, d'art et de ski et est devenu médecin, c'est à dire voué aux soins de ses contemporains. Jusque là, son parcours est des plus classiques pour un jeune homme de la bonne société comme lui et par goût, il s'intéressa à la génétique, devint anthropologue, se maria, eut un fils... Est-ce sa génétique personnelle, le goût de l'autorité propre aux Allemands où la montée du nazisme en Allemagne qui le révélèrent, mais après un parcours médical normal pour un médecin en temps de guerre, il choisit d'intégrer la SS et c'est à partir de ce moment que le quidam qu'il était, sortit du lot, s’avéra être un tortionnaire sadique dans le camp d'Auschwitz, participant activement à la Shoah et à l'extermination des prisonniers sans égard pour leur vie. La défaite de l'Allemagne fit de lui un fuyard, mais un fuyard chanceux qui, capturé par les alliés, Russes puis Américains, fut néanmoins libéré, se cacha sous une fausse identité puis se retrouva en Argentine, en compagnie d'autres nazis grâce aux facilités octroyées par le dictateur Perón. Il habita Buenos Aires sous son vrai nom, se maria avec sa belle-sœur après son divorce, changea d'identité s'exila au Paraguay puis au Brésil, parvint à échapper à l'extradition et surtout aux griffes du Mossad, pourtant attentif aux criminels nazis. Lui qu'on a souvent donné pour mort fut certes un fugitif qui craignait pour sa vie, mais un fugitif vivant et sans difficultés financières importantes grâce à sa famille restée en Allemagne, bénéficiant même parfois d’extraordinaires concours de circonstances qui lui évitèrent la capture, tant sa baraqua lui permit d'échapper à tous ses poursuivants ! Pourtant, autour de lui, des anciens nazis furent capturés ou assassinés et lui vécut en permanence avec la crainte d'être découvert, malgré ses fréquents déménagements et changements d'identité, l'argent qui achète les consciences et son look de bel hidalgo, bien peu germanique. Pourtant sa légende, qui tient bien souvent du fantasme, se tissa dans les médias et les histoires les plus folles coururent à son propos. Il joua malgré lui ce rôle jusqu'au bout, malgré une hantise des photos qui le dénonceraient, une paranoïa qui jouxta la folie, une solitude de plus en plus insupportable et une mort bien banale à l'âge de 68 ans qui lui permit ainsi d'échapper définitivement à la justice des hommes.
Même si ces années de cavale et surtout ses derniers temps ont été pour lui une punition puisqu'il devait en permanence vivre dans la hantise d'être découvert, cela pose une nouvelle fois la question de la justice qui viendrait corriger les cruautés que certains hommes font à leur semblables. Dans son cas comme dans bien d'autres, les hommes qui sont capables du pire, ont œuvré pour qu'il ne soit pas jugé, qu'il s'en sorte indemne, à tout le moins au regard de l'équité. Quant à la justice immanente, nous savons tous qu'elle n'existe pas et les événement l'ont toujours servi. On peut toujours nous raconter toutes les fables moralisatrices qu'on voudra, il y aura toujours des persécuteurs et des persécutés, ces derniers n'ayant pas forcément la consolation d'obtenir même une réparation de principe parce que la condition d'homme est ainsi. En ce qui le concerne la chance l'a donc scandaleusement servi (et pas seulement sans doute à cause de l'écartement de ses incisives supérieures – « les dents de la chance », dit-on) et ses victimes ne seront jamais vengées. A la fin, lors de l'entrevue avec son fils unique venu le rencontrer en Amérique du sud, il exprime, pour se justifier, des arguments pathétiques, dignes du parfait nazi, à moins que, face à la mort qu'il sentait déjà, il n'ait été d'une parfaite mauvaise foi. Plus tard, il aurait au moins pu être satisfait de la mise à prix exorbitante de sa tête, lui qui était un adepte de la race supérieure... mais il était déjà mort !
Dans un style agréable à lire, l'auteur nous livre un roman fort bien documenté, avec en plus le potentiel et traditionnel droit à l'oubli.
© Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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