le dernier enfant
- Par hervegautier
- Le 28/08/2022
- Dans Philippe Besson
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N°1670 - Août 2022
Le dernier enfant – Philippe Besson - Julliard
Ce fait de nombreuses années que je lis avec plaisir les romans de Philippe Besson. Ici j’ai retrouvé son style agréable à lire, comme à chaque fois. Pourtant, le livre refermé j’ai eu un sentiment bizarre, sans doute à cause du thème choisi que son expérience de fils a sans doute dû nourrir. Théo est en effet le dernier des trois enfants du couple ordinaire et sans doute heureux que forment Anne-Marie et Patrick. Deux enfants sont déjà partis mais Théo est le dernier, un peu comme si après son départ quelque chose devait changer parce qu’après lui allait s’installer entre eux un rythme de vie différent, plus solitaire, plus vide, plus égoïste peut-être, en donnant enfin libre court à ses projets personnels. Et puis il entreprend des études supérieures ce qui est pour les parents une source d’orgueil mais il doit pour cela partir et s’installer loin d’eux alors que, traditionnellement les enfants jeunes, en apprentissage ou salariés, restaient encore un temps dans la maison familiale. C’était moins brutal. On peut toujours parier sur son avenir professionnel, sa réussite, les petits-enfants à venir et l’agrandissement de la famille, on n’est jamais sûr de rien et cette entrée dans la vie a quelque chose d’intimement déchirant.
Le temps passe, une page se tourne et c’est à l’aune de ce genre d’événement, pourtant ordinaire, qu’on mesure brutalement cette évidence et qu’on se livre à un bilan en égrenant les souvenirs communs, en épluchant les photos, les instants de bonheur simple… Il y a eu les années de vaches maigres, les craintes pour l’avenir, les sacrifices pour les enfants, l’amour partagé, la joie d’être ensemble et les moments plus durs qu’on préfère oublier . On a beau se dire qu’on n’a pas des enfants pour soi, qu’ils doivent partir et faire leur vie parce que le contraire serait anormal et que l’ombre de «Tanguy » a quelque chose de redouté, il est difficile de se convaincre soi-même et il y a toujours cette incontournable culpabilité de n’avoir pas toujours fait ce qu’il fallait au moment opportun. Elle est enfin là cette réalité banale où on se retrouve à deux, seuls comme au début où on ne vivait que pour soi, malgré les espoirs qu’on fait semblant d’avoir pour les prochaines années. Il y avait eu entre Anne-Marie et Patrick la magie de la rencontre, la folie des projets jamais réalisés, la routine qui s’était installée entre eux sans qu’ils s’en aperçoivent.
Ici, c’est plutôt par le prisme d’Anne-Marie que le roman est décliné (il lui est d’ailleurs dédié) un peu comme si le père comptait pour rien, ne ressentait pas lui non plus de peine à ce départ, parce que c’est la mère qui porte les enfants, qu’elle pourvoie traditionnellement à leur éducation, qu’on parle davantage de l’amour maternel, qu’on laisse au mari le rôle habituel de censeur, qu’on réserve à la mère la conduite de la maison et de son budget, … Ça aussi c’est un peu une image d’Épinal parce que les choses ont changé, comme dans bien d’autres domaines et que dans un couple tout ne se passe pas toujours d’une manière aussi idyllique avec les adultères, les trahisons, les divorces fréquents ou la maladie et les décès toujours possibles. La vie de cette famille est banale mais finalement sans grands bouleversements, simplement consacrée à la recherche de ce bonheur auquel nous aspirons tous et je retrouve bien le rôle de l’écrivain qui est d’être le témoin de son temps, même dans les détails les plus anodins. Notre vie est une succession de petits ou grands renoncements et ce que je retiens c’est la solitude d’Anne-Marie face à cette épreuve, certes connue à l’avance mais dont on repousse l’échéance.
Le thème choisi a quelque chose d’ordinaire mais traduit bien ce qu’est le quotidien de la plupart d’entre nous qui avons fondé une famille. J’ai à la fois pris plaisir à découvrir ce roman parce que la lecture est un plaisir et que Philippe Besson est un bon auteur mais je l’ai lu rapidement, presque impatient de découvrir le dénouement. Certes la fuite du temps est inexorable et donne le vertige quand on le mesure à l’aune de ses souvenirs mais l’épilogue m’a paru un peu convenu, trop décalé, presque artificiel et carrément exagéré, d’une originalité excessive par rapport à la réalité, malgré l’émotion et la nostalgie distillées tout au long de ce texte.
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