Le paquet
- Par hervegautier
- Le 03/11/2018
- Dans Philippe Claudel
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1288
Le paquet - Philippe Claudel - Stock .
Il est bizarre cet homme, on dirait une sorte de SDF. Nous le voyons assis sur un banc public, traînant derrière lui un lourd paquet, aussi gros que lui et tout au long de cette pièce en un acte et le spectateur-lecteur pourra toujours fantasmer sur son contenu au rythme des marques d'intérêt qu'il lui témoignera. Sur la scène où il est seul, il se laisse aller à la philosophie, mais à celle des halls de gare ou de comptoirs de bistrot, dans ces endroits où l'on refait le monde sans que quiconque ne vous ait demandé quelque chose. Bien sûr il va nous parler de ses amis, de ses voisins, de sa femme aujourd'hui décédée, de ses souvenirs de jeunesse, s'adonne volontiers au début, à sa passion pour l'alexandrin qui, à l'entendre, est naturelle chez lui bien que cette figure de style ne réapparaisse pas au cours de son intervention. Il se met à disserter, passant volontiers du coq à l'âne, sur l'amour, les slogans publicitaires, son psychiatre, le service militaire, le déclin de la France, la mort ...C'est un peu comme s'il vidait son sac, une ultime fois avant le grand saut. Le regard qu'il porte sur la société dans laquelle il vit donne lieu à des remarques pleines de bon sens et qu'il serait bon de méditer. Par exemple « L'imbécile donne de l'espoir. C'est sa mission sur terre. C'est d'ailleurs pour cela que dans les pays progressistes et démocrates nous en élisons un à la tête de l’État. ». On ne saurais être plus précis ! Pourtant, au fur et à mesure on voit bien qu'il est victime de tous les malheurs du monde. On ne sait vraiment pas trop qui il est, entre un modeste employé de banque ou un homme d'affaires important. On se perd autant dans ses confidences que dans ses remarques sur la société présentée alternativement comme dangereusement consumériste et menacée par la mondialisation. Pour s’exprimer, il choisit tour à tour le sérieux et l'humour et cela finit par ressembler à une sorte de délire verbal à la fois incohérent et décousu, et nous ne savons pas trop s'il faut en rire ou en pleurer !
Il s'agit d'un monologue, pire peut-être d'un soliloque pendant lequel il prend les spectateurs à témoin, leur parle du loto, de recettes de cuisine, des progrès techniques et de lui bien entendu et de ses malheurs et de ses failles. Finalement, il change de ton, abandonne son humeur un peu badine du début pour se concentrer sur une phrase tronquée, lue sur la vitre du métro parisien « Chacun mérite ce qu'il a, le riche sa fortune, le pauvre son... » . Cette interrogation va se transformer en un quête éperdue et définitivement vaine et se terminer par une sorte de confession un peu surréaliste. Cette pièce écrite et mise en scène par l'auteur a été créée en janvier 2010 au Petit Théâtre de Paris et interprétée par Gérard Jugnot.
J'aime bien Philippe Claudel quand il choisit d'écrire un roman où le dépaysement et la poésie sont au rendez-vous. Je l'ai assez dit au fil de cette chronique. Là j'avoue que j'ai un peu décroché, peut-être pas compris grand-chose et je suis peut-être passé à côté d'un chef-d’œuvre, à part que cet homme est bien seul, entre vide et angoisse, à l'image de nombre de nos contemporains et peut-être de nous-même. Le monologue qu'il mène souligne ce trait (Je note aussi que l’écriture est aussi une forme de soliloque) qui est à la fois une réalité et un lieu commun dans notre société. C'est évidemment bien écrit, mais d'une manière plus quelconque et ordinaire qu'à l'accoutumée mais je m'attendais à autre chose et, le livre refermé, je suis partagé et je dois bien avouer que, n'ayant pas retrouvé ici l'auteur que j'aime lire, je suis un peu déçu..
© Hervé Gautier – Octobre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
Ajouter un commentaire