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la feuille volante

LE FLUTISTE INVISIBLE - Philippe LABRO

N°673– Août 2013.

LE FLUTISTE INVISIBLE - Philippe LABRO – Gallimard.

Philippe Labro est un romancier remarquable, nous le savons tous, mais là , contrairement à ce qui est écrit sur la couverture, il ne s'agit pas d'un roman mais d'un recueil de trois nouvelles. En effet, si l'auteur se révèle être un conteur passionnant, un bon serviteur de notre si belle langue française, ces trois histoires n'ont pas de lien entre elles, elles sont indépendantes les unes des autres, à tout le moins sur le plan de la narration. Ce sont des situations romanesques puisées dans son expérience personnelle, dans l'imaginaire ou dans le simple témoignage. Le texte est bien écrit, littéraire par conséquent mais ce sont des nouvelles, ce qui n'enlève rien à ses qualités, bien au contraire.

L'auteur nous livre son vécu dans « La ligne de mire ». Appelé en Algérie durant la guerre, il travaille comme journaliste et figure sur une liste de condamnés à mort par l'OAS. Celui qui est chargé de l'exécuter, et alors qu'il n'avait aucune chance de le manquer, hésite, ne presse pas la détente et lui laisse la vie sauve et ce sans aucune raison. Plus tard il le rencontre alors qu'il est devenu une personnalité connue et lui révèle cet épisode de son existence passée, dans le secret espoir que cela figurera dans un de ses livres. Dans « Bye Bye Blackbird », il raconte l'expérience sexuelle d'un jeune étudiant pauvre avec jeune fille riche sur un transatlantique qui les amène à New-York. Cet épisode est relaté à l'occasion de la rencontre fortuite avec un homme qui siffle un vieil air oublié. Avec « Le regard de Toma » c'est l’histoire d'un jeune juif qui, parqué avec sa famille dans un entrepôt, se plaint du froid. Sa mère finit par se laisser convaincre de chercher un endroit moins inconfortable. Le lendemain, leurs compagnons d'infortune restés à leur place sont tous transférés à Auschwitz où il sont exécutés, mais eux sont protégés par leur nouvelle « cachette ». Ils finissent par être découverts et entassés dans des wagons plombés, promis à une funeste fin mais, par une sorte de miracle, un besoin soudain de main-d’œuvre ou la décision d'un obscur fonctionnaire nazi, ce train fait machine arrière et les débarque à Vienne, leur sauvant ainsi la vie. Par la suite, dix ans plus tard, c'est lui qui, grâce à un sorte d'instinct de survie, sauve la vie d'un homme avec qui il s'évade d'un camps russe.

Ce titre assez énigmatique est emprunté à une citation d'Albert Einstein qui est d'ailleurs reproduite en exergue et qui évoque Dieu si on est croyant, le destin, le hasard, la chance si on ne l'est pas. Einstein avait en effet avec Dieu des relations bizarres, soit il en rejetait jusqu'à son existence, soit au contraire il évoquait ce « flûtiste invisible » qui, pour chaque être joue une étrange partition, à la fois mystérieuse et incontournable. L'expression est peut-être poétique mais depuis la nuit des temps les Romains croyaient que les Parques tenaient ainsi dans leurs mains les fils de la vie de chaque mortel. Les Grecs les appelaient les Moires.

A titre personnel, moi qui ne crois plus en rien et sûrement pas a ce que le catéchisme nous a enseigné, je suis fasciné par le hasard qui gouverne nos vies sans que nous voulions bien souvent l'admettre. Nous l’appelons chance, destin, la fatalité mais il n'a pas manqué de philosophes pour nous rappeler que nous sommes libres de nos décisions, que chaque homme a son « libre arbitre » et qu'il est capable de décider de sa vie. Je ne parle pas de la religion catholique qui nous enseigne que Dieu sait tout, même ce que librement nous allons décider, entretenant en cela une immense ambiguïté. Selon que nous sommes croyants ou pas, nous pouvons admettre « le doigt de Dieu » dans nos vies et il reste que bien des choses qui nous arrivent interviennent malgré nous, sans que nous y puissions rien. Cet élément inconnu, ce cas fortuit et de force majeure, cet événement imprévisible et irrésistible existe malgré nous et nos le subissons.

C'est donc, par delà la forme, roman ou nouvelles, un sujet passionnant que soulève Philippe Labro à travers ces histoires et qui fait débat. Il se contente de lancer cette réflexion passionnante de nature philosophique mais, bien entendu sans y apporter de réponse autre qu'un texte littéraire agréable à lire.

A la fin du livre, l’auteur tente une sorte de définition de la sagesse humaine face aux événements de la vie qui, surtout dans le cas du « regard de Tomas » met en évidence la relativité des choses qui gouvernent nos vies. Il y a toujours deux vérités, deux réponses à chaque question comme le rappelle l'écrivain Michael Chrirston.

Hervé GAUTIER - Août 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

















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