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la feuille volante

Les intellectuels français et la guerre d'Espagne

 

La Feuille Volante n° 1360 Juillet 2019.

 

Les intellectuels français et la guerre d’Espagne – Une guerre civile par procuration (1936-1939) - Pierre-Frédéric Charpentier – Éditions du Félin

 

Tout d’abord je remercie les éditions du Félin et Babelio de m’avoir fait parvenir cet ouvrage.

L’avènement de la II° république espagnole en 1931 a surpris tout le monde et provoqué le départ d’Alphonse XIII qui ne devait jamais plus revenir. L’instauration de réformes sociales et économiques dans un pays pauvre, archaïque, gouverné depuis longtemps par le conservatisme terrien, tenu par l’Église catholique et l’armée ne pouvait que bouleverser le paysage politique et provoquer des troubles redoutés par la bourgeoisie. A la suite des élections de 1936 favorables à la gauche, la rébellion militaire, partie du Maroc espagnol, ne pouvait que susciter un espoir de retour à l’ordre dans les classes dirigeantes traditionnelles.

Plus que tout autre conflit, la Guerre Civile espagnole a été une tragédie qui a déterminé des hommes et des femmes étrangers, c’est à dire non-espagnols, à s’engager du côté des républicains, pour la défense de la liberté. Même si à l’origine la dimension religieuse n’existait pas, les fascistes l’ont vécu comme une « guerre sainte », une croisade contre le communisme, menée par un général rebelle, Franco, considéré comme un homme providentiel, lui qui au départ était plutôt en retrait, et qu’ils voyaient maintenant comme le sauveur de l’occident, bref un combat manichéen du bien contre le mal. Des liens culturels et historiques unissent la France et l’Espagne depuis longtemps et ces trois longues années vont être l’occasion pour les intellectuels français engagés et dont la notoriété internationale est grande, de nourrir un débat autours de ce conflit aux rebondissements multiples. De leur côté, des journalistes comme Antoine de Saint-Exupéry ou Bertrand de Jouvenel et des photographes de guerre comme Robert Capa et Gerda Taro qui paieront un lourd tribut à cette guerre, apporteront leurs reportages et photos qui ainsi témoigneront de l’intensité des combats de ce conflit atypique et meurtrier où interviendront les avions du côté nationaliste et les femmes du côté républicain. Ainsi, articles de presse, poèmes, romans, films illustreront-ils la polémique qui opposera les deux camps. Certains à gauche, et ils seront nombreux dans les rangs républicains, combattront personnellement dans le conflit comme André Malraux, René Char, la philosophe Simone Weil, tandis qu’à droite, mais avec la seule force des mots, l’Action Française, avec Robert Brasillac, Léon Daudet ou Charles Maurras condamnera « la vague rouge ». Par ailleurs le franquisme qui s’est plus tard recommandé du christianisme, malgré le fait que Franco commandait des troupes marocaines, perpétrait des massacres, ce qui mit mal à l’aise des écrivains comme François Mauriac ou Georges Bernanos et pas mal de catholiques qui pourtant lui étaient culturellement favorables. Le camp républicain n’a pas été en reste qui a montré des déchirements notamment à cause de la politique de non-intervention voulue par Léon Blum ainsi que des oppositions et des tensions internes. Bien entendu les pacifistes se sont fait entendre et, dans les deux camps, cette guerre sans prisonniers (ils sont fusillés, leurs corps brûlés ou enfouis dans des fosses communes), et la terreur « blanche » ou « rouge » qui l’a caractérisée, ont enfanté des exactions et des massacres horribles de populations civiles, montrant un rare mépris pour la vie humaine. De chaque côté des intellectuels se sont exprimés non seulement avec des discours et des écrits mais également avec la radio qui a fait florès chez les franquistes et le cinéma qui a triomphé du côté républicain. Ces derniers modes d’expression montreront des populations civiles, à Guernica et à Madrid notamment, durement bombardées surtout par l’aviation nationaliste. Nous sommes donc pour eux en présence d’une véritable guerre par procuration qui déborde largement des frontières ibériques, faisant de la France et de l’Afrique du Nord une base arrière de ce conflit. Ces intellectuels continueront à se manifester en faveur des réfugiés espagnols après la retirada mais une autre guerre se profile, mondiale celle-là et la guerre civile espagnole sera vite oubliée.

Ce livre passionnant, largement émaillé de témoignages, rend compte d’une manière synthétique et pédagogique de la complexité de ce conflit, des exactions perpétrées, des contradictions, des atrocités dans les deux camps. 2019 correspondant au 80°anniversaire de la fin de cette guerre civile qui a ébranlé bien des certitudes et provoqué de nombreuses prises de position passionnées. Ce livre, qui se lit comme un roman, est une réflexion sur l’attitude des penseurs, journalistes et écrivains engagés face à cette guerre.

©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com

 

 

 
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