la feuille volante

LE ROMAN D’UN SPAHI – Pierre LOTI.

 

N°221

Avril 2000

 

 

 

LE ROMAN D’UN SPAHI – Pierre LOTI.

 

Je ne sais ce qui ne fit choisir dans ma bibliothèque un roman pourtant déjà lu de Pierre Loti. Le hasard peut-être à moins que ce ne soit l’intérêt que je porte depuis de nombreuses années à l’écrivain rochefortais qui enchanta ma jeunesse  et mon adolescence. Ses romans reflètent son attraits pour les voyages et pour un certain art de vivre, à l’image de cette « maison enchantée » blottie au milieu de cette petite ville charentaise qu’il serait bon de redécouvrir.

 

C’est vrai qu’actuellement Rochefort /mer reprend de l’attrait notamment à cause de la construction de « l’Hermione », bateau qui amena Lafayette aux Amériques. La télévision nous rend compte régulièrement de l’avancement de ces travaux. Loti su se battre pour sa ville natale et usa de son autorité pour qu’elle ne sombre pas dans l’oubli, qu’elle conserve son port militaire, son arsenal, son importance. Bien sûr il y avait la source thermale, les bégonias et plus tard le Film de Jacques Demy, « Les demoiselles de Rochefort », la résurrection de la « Corderie Royale »…

 

Comme son œuvre, cette maison est le miroir de son itinéraire, de ses passions, de ses amours. C’est à la fois un bateau immobile au ventre plein de rêves et un haut lieu du souvenir jalousement gardé. C’est la synthèse de sa vie personnelle, amoureuse, littéraire, aventureuse... On y retrouve les différentes facettes de la personnalité de l’homme public et l’intimité de l’être tourmenté. Là plus qu’ailleurs le visiteur est incité au rêve, à la complicité avec son hôte invisible mais bien présent .Chaque pièce est un jalon de la vie de ce personnage d’exception, grand marin et écrivain de talent. Il fut à son époque un personnage contesté, moqué même, honni peut-être, mais c’est oublier un peu vite le patriote, l’officier de marine, l’académicien, l’amoureux, l’humaniste, l’homme libre, tour à tour fantasque, déconcertant mais toujours d’une culture et d’un raffinement étonnants…

 

Mais revenons à ce livre.

 

Il s’inscrit, bien sûr dans l’histoire immédiate de la France coloniale avec tout ce qu’elle avait d’exotique, de dépaysant, de guerrier aussi. Comme toujours les descriptions y sont évocatrices, chatoyantes et l’émotion y est toujours présente.

 

Comme avec « Pêcheurs d’Islande » ou « Ramuncho », Loti a toujours su me passionner, me faire pleurer aussi. Ici, il choisit de peindre de nouveau une facette de la condition humaine, celle de Jean, fils d’un paysan pauvre des Cévennes, arraché à sa terre natale pour un service militaire de cinq années. Le hasard et peut-être aussi l’amour du cheval lui fit choisir les spahis et l’Afrique accueillit cette tranche de vie qu’il allait passer entre ses amours locales et le souvenir d’une « promise » qui au pays l’attendait. Chez Loti, rares sont les « happy ends » rassurants. Il choisit de nous dire les choses telles qu’elles sont, dans leur simplicité, dans leur cruauté aussi. La séparation, la mort font partie de la vie d’un homme et il est vrai que le bonheur n’est pas toujours aux rendez-vous de nos quêtes, que nous ne sommes ici que de passage…. Loti l’a rappelé naturellement, peut-être mieux que les autres . Il est cet écrivain de l’humanité comme d’autres le sont de la négritude ou de la condition ouvrière…

 

Il a délivré son message avec talent et avec cœur, avec aussi cette plaie invisible qu’il portait en lui et que, comme tout créateur authentique il passa sa vie à exorciser. Elle transparaissait sans doute dans son visage mélancolique et dans la tristesse qu’il portait au bord de ses yeux. Il y puisait sûrement une partie de son inspiration et sa quête du bonheur lui fit dire simplement «  Mon mal, j’enchante ».

 

 

© H.G.

 

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