Marie-Antoinette
- Par hervegautier
- Le 14/09/2022
- Dans Stefan Zweig
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N°1673– Septembre 2022
Marie-Antoinette – Stefan Zweig - Grasset.
Traduit de l'allemand par Alzir Hella.
C'est le destin des enfants des rois et des reines d'être mariés tôt et leur union est souvent conclue à des fins politiques. Marie-Antoinette, archiduchesse d'Autriche, fille de François 1° Empereur du Saint-Empire, n'échappa pas à la règle puisqu'elle le fut à quatorze ans avec le futur Louis XVI en vue du rapprochement entre la France et l'Autriche. Le rôle des femmes est évidemment d'assurer la descendance mais il lui faudra attendre sept ans avant d'avoir son premier enfant, ce qui inquiéta le pays et provoqua des quolibets et des rumeurs. C'est donc un mariage pour raison d’État qui amène Marie-Antoinette à épouser un jeune homme qu'elle n'aime pas et qui la délaisse et c'est à l'évidence un couple mal assorti. Cette jeune fille, sensuelle et pleine de vie, friande de plaisirs, de toilettes et de bijoux, se trouve trop tôt projetée à la cour, se rebelle contre "l'étiquette" de Versailles, peine à apprendre le français, est peu portée sur la lecture et la compréhension des choses et des événements qui l'entourent, préfère la liberté, les plaisirs et les frivolités. Toutes ces excentricités coûtent de l'argent et le peuple auquel elle ne s'est jamais intéressée gronde et lui donne des surnoms peu flatteurs doit celui de "Madame déficit". Certes, elle a assuré la descendance de la royauté mais les choses changent vite autour d'elle, les frustrations longtemps contenues éclatent, la révolte grandit et elle ne s'en rend pas compte. La cour se disperse devant le danger, la reine n'a plus beaucoup d'amis sauf le conte Axel de Fersen, un gentilhomme suédois qui reste à ses côtés dans une fidélité sans faille, ce qui nourrit les propos les plus fantasques au sujet de cette relation. "L'affaire du collier", la disette qui sévit dans le royaume, les idées des "Lumières" qui agitent le peuple, le "Tiers état" convoqué dans le cadre des "États généraux" qui entend bien porter des réformes de l’État, nourrissent une atmosphère révolutionnaire dans la capitale. Cette ambiance délétère est ressentie comme malsaine par la reine, ce qui lui fait craindre les pires choses face à l'indolence du souverain. Le retour forcé de la famille royale à Paris, la désastreuse fuite de Varennes, l'anarchie et l'atmosphère de complot qui règnent, la prise de la Bastille donnèrent le signal de cette révolution qui allait transformer la capitale en un bouillonnant creuset de mort, ensanglanter le pays tout entier le privant de sa traditionnelle structure sociale, promouvoir puis anéantir des volontés de réforme auxquelles se sont mêlés des velléités non moins grandes de destructions aveugles pour finalement déboucher sur un empire qui ressemblait par bien des côtés à cette royauté défaillante mais qui entraîna la France qui n'en avait pas besoin dans des campagnes militaires à la fois dispendieuses et destructrices. Ce genre d'événements inspirés par la Terreur et en marge d'une légalité changeante voire inexistante favorisent l'émergeance d'authentiques volontés de changement mais aussi le déferlement de violences, de trahisons, de palinodies, de débordements sanguinaires et de complots qui caractérisent bien l'espèce humaine.
L'auteur retrace avec minutie le destin tragique de cette femme qui, quand elle est confrontée à la mort du roi et à la certitude de ce qui l'attend, redevient dans la tragique et immense solitude qui est désormais la sienne, une femme ordinaire, une veuve de trente huit ans, abandonnée de tous, mais qui se défend fermement contre ses accusateurs mais aussi un être aimable pour ses gardes et digne face à la mort, c'est à dire l'image inverse de celle qu'elle a donnée pendant son règne.
Stefan Zweig (1881-1942) ne fut pas qu'un talentueux romancier et essayiste. Cet ouvrage, publié en 1932 et qui ne fut pas le seul dans ce registre, rappelle qu'il fut aussi un biographe pointilleux et scrupuleux qui, au cas particulier, sut faire le tri des nombreuses informations fausses qui courraient sur le sujet. Pour cette biographie fort richement documentée jusque dans les moindres détails et marquée par l'émotion, il s'inspira évidemment des ouvrages déjà parus mais surtout les mémoires de ses contemporains comme Mme Campan, Lauzin et bien d'autres mais surtout de la correspondance et des documents personnels d'Axel de Fersen. Il se livre à une étude psychologique du personnage de Marie-Antoinette mais aussi à de nombreuses remarques pertinentes et personnelles sur son destin
L’œuvre de Zweig revient aujourd'hui sur le devant de scène littéraire et on redécouvre le talentueux écrivain qu'il fut. C'est une très bonne chose qu'on se souvienne de l’œuvre de cet homme de Lettres exceptionnel qui illumina son temps.
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