Sur les chemins noirs
- Par hervegautier
- Le 11/02/2024
- Dans Sylvain Tesson
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N°1833 – Février 2024.
Sur Les chemins noirs – Sylvain Tesson- Gallimard.
D’abord la chute d’un toit, le coma, l’hôpital, avec de graves séquelles sur son corps, puis le vœu un peu fou de traverser la France à pied s’il s’en sort, un peu comme ces combattants qui au plus fort des combats jurent d’entrer en religion s’ils survivent. Pour ce voyage, l’auteur privilégie cependant les sentiers abandonnés qui lui permettent de voir le pays sous un jour différent, un trajet de Nice à l’extrême pointe du Cotentin, trois mois de marche solitaire, parfois entrecoupée par un accompagnement amical, dans le rougeoiement de l’automne. Ce seront « les chemins noirs » mais aussi une manière originale de mener sa rééducation, de renouer avec la vie sauvage, l’aventure, la liberté, un œil sur la carte IGN, l’autre sur les pages d’un livre, une balade intellectuelle mais aussi une bonne manière de conjurer la perte de poids qui est une des obsessions de notre société actuelle, de parfaire sa condition physique. Ce mode de vie itinérant est pour lui l’occasion de renouer avec la marche et la nature, la vie simple, bucolique et marginale, de sortir des sentiers battus de la civilisation, un vrai défi, une renaissance après avoir frôlé la mort. Sa « longue marche » au milieu de spectacles changeants, loin des villes, de leur bruit et de leur goudron, lui donne à voir des villages fantômes, des maisons fermées, désertées, des fermes abandonnées, des lieux déserts mais hérissés d’interdictions placardées, des chemins qui disparaissent des cartes, mangés petit à petit par les agriculteurs qui les intègrent à leurs parcelles cultivables et on songe à ce que Gaston Couté disait déjà des « mangeux d’terre ». Son cheminement à la fois attentif et passionné lui fait communier avec le silence, la lenteur, suscite en bloc des questions simples qui dérouteraient les énarques décideurs, lui donne à voir une nature détériorée par la folie des hommes, par les aberrations de la gestion comptable qui favorisent l’économie au détriment de l’écologie, une agriculture devenue industrie, les méfaits de la mondialisation et de notre addiction aux nouvelles technologies qui nous masque, par écrans interposés, la simple beauté des choses et colonise notre propre vie au quotidien.
Parcourir ainsi cette géographie rurale l’invite à revisiter l’histoire désormais sacrifiée au nom de la modernité des lieux parcourus, à réfléchir sur le présent et à méditer sur un avenir jugé quelque peu incertain.
J’ai aimé ce trajet, vécu sans doute comme le prolongement de quelque chose. J’en ai apprécié le style fluide et poétique, riche de descriptions et j’ai presque eu envie de reprendre à mon compte cet art du voyage à pied, moi dont les origines charentaises me font goûter le port de ces pantoufles confortables et préférer l’été. Que reste-t-il de ce périple transversal que seule l’eau, tolérée par la faculté, est venue irriguer, le vin, symbole et richesse des régions traversées lui étant interdit ? Des souvenirs journellement engrangés, des images lyriques confiées à la page blanche, les bivouacs nocturnes entre feu de camp et sommeil de belle étoile où les repas semblaient accessoires, bref un livre plein de remarques en forme d’aphorismes et de citations d’intellectuels.
Sylvain tesson ne laisse pas indifférent, suscite même la polémique par ses écrits et son impact dans l’opinion. Pour moi je retiens ce livre qui fut une belle découverte..
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